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Hostel


Hostel Année : 2005

Titre original : Hostel

Réalisateur : Eli Roth

C'est l'histoire de trois jeunes hommes, Josh, Paxton et Oli, tout droit sortis, semble-t-il, d'un film pour adolescents adeptes de la masturbation en solitaire ou en groupe, des blagues puériles et des soirées bière entre potes. Nos trois jeunes protagonistes, toujours à la recherches de plus de sexe, de belles filles et de sensations fortes, rencontrent un autre jeune homme de leur âge, qui leur suggère d'aller en Slovaquie, où, leur assure-t-il, se trouvent les plus belles créatures que la terre ait jamais portées, et pour lesquelles, qui plus est, ils n'auront pas à payer... Trop heureux, notre trio prend alors le train pour la Slovaquie et s'installe dans un étrange hôtel, ne se doutant pas que le pire les attend. Oh, bien sûr, ils rencontreront trois fantastiques demoiselles à leur arrivée, les baiseront comme des bêtes, croiront être arrivés au paradis ; mais ils apprendront bien vite à leurs dépens qu'il s'agissait en réalité d'un piège : Oli, puis Josh, une fois isolés, seront kidnappés puis torturés jusqu'à ce que mort s'ensuive dans une sorte d'usine désaffectée (et loin d'être désinfectée...). Paxton, dernier survivant, finira par découvrir l'horrible vérité : une organisation crapuleuse qui s'est faite prestataire de services un peu spéciaux, vend aux personnes qui en ont et l'envie, et surtout les moyens, des humains qu'ils peuvent tuer comme il l'entendent - cela va de la simple balle dans la tête au découpage à la tronçonneuse, en passant par le chalumeau et le scalpel. Il faut préciser que le prix n'est pas le même, selon que l'on désire mettre à mort un Européen ou un Américain, par exemple, les Américains étant les plus chers. Paxton en fera les frais : après avoir perdu une partie de ses doigts dans l'une des salles de torture, il parviendra à s'échapper après que son tortionnaire aura glissé sur le sol et se sera pris sa propre tronçonneuse sur le flanc (comme quoi, le ridicule peut tuer...). Après avoir sauvé une Japonnaise d'une autre chambre de torture, Paxton s'enfuit en voiture avec cette dernière et parvient à se rendre à la gare, où la Japonaise, voyant le reflet de son visage défiguré sur une paroi métallique, se jettera sous le train, qui mènera Paxton jusqu'en Allemagne, où il retrouvera l'étrange homme que lui et ses camarades avaient rencontré lors de l'aller et qui a tué Josh - Paxton suivra l'homme jusque dans les toilettes, lui coupera les doigts et lui fera subir le même sort que Josh, lui imposant de voir son reflet tout en l'égorgeant.

Partant d'un scénario somme toute assez simple et déformant quelque peu celui du film d'horreur classique - la bande de jeunes qui s'amusent, sortent et finissent tous par se faire tuer par un malade sanguinaire -, Eli Roth nous offre un film extrêmement efficace, plus encore que Cabin Fever, son précédent film, en instaurant une ambiance quelque peu fantastique directement héritée des romans gothiques de la fin du dix-huitième siècle et du début du dix-neuvième, et des films de la Hammer ; ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'action se déroule dans un pays de l'est (ce n'est certes pas la Transylvanie, mais on ne serait pas surpris de croiser Dracula au détour d'un plan) et si l'hôtel ("hostel", qui, en anglais américain, se prononce de la même façon que "hostile") et l'usine font sans mal (si l'on ose dire) penser aux sombres décors des 120 journées de Sodome, par exemple.

Enfin, par exemple, non, puisque c'est bien d'une ambiance sadienne qu'il s'agit ici. D'autant plus que le scénario n'est pas sans rappeler celui des 120 journées de Sodome et de son adaptation cinématographique par Pasolini en 1976, Salò : des libertins kidnappent des jeunes gens pour les emmener dans un château isolé d'où personne ne peut sortir, et leur font subir mille et un sévices, ces derniers étant caractérisés par une rapide progression vers le pire, c'est-à-dire la torture et la mort. L'idée de surenchère est bien évidemment cruciale, et c'est en cela que le film d'Eli Roth s'oppose directement à Saw, réalisé un an auparavant par James Wan. En effet, alors que Saw joue le jeu de la surenchère, offrant à un public blasé ce qu'il est venu voir et rien d'autre (on peut résumer le message du film ainsi : "le cinéma d'horreur est là pour réveiller votre instinct de survie, bien à l'abri dans votre fauteuil derrière l'écran que vous avez pris soin de placer entre vous et la réalité, et le film que vous êtes en train de voir ne déroge pas à la règle - seulement, puisque vous êtes blasés, on va vous réveiller un peu en jouant à un jeu sadique avec les personnages, faisant ainsi de vous des voyeurs complaisants (d'où le titre, au cas où vous ne l'auriez pas compris - oui, parce qu'on vous prend aussi pour des cons..."), Eli Roth semble dénoncer implicitement ce procédé, remplaçant le plus souvent l'horreur graphique par une horreur toute psychologique et symbolique - on trouve d'ailleurs de nombreuses critiques sur le net affirmant que le film n'est pas assez cru, pas assez violent sur le plan visuel... Ce qui est logique, puisque Eli Roth renverse ici la perspective, se refusant à donner au public ce qu'il est venu voir (ne vous inquiétez pas, on voit quand même quelques horreurs !) et le plaçant dans une position pour le moins inconfortable : en effet, s'il faut faire un peu de sociologie de base grossière, le spectateur de films d'horreur typique est plutôt jeune, mettons entre 12 et 25 ans, consommateur en puissance, déjà lassé par les horreurs qu'il a pu voir à la télévision et au cinéma, et avide de voir quelque chose de nouveau, quelque chose de plus, quelque chose qui le fasse frissonner, lui procure... des sensations fortes. Eh oui ! ce spectateur typique, c'est bien l'un des trois jeunes protagonistes du film, qu'il soit timide et coincé (Josh), fêtard (Oli) ou "normal", c'est-à-dire tout à fait moyen (Paxton). L'intérêt n'est donc plus tout à fait la mise en scène de la mise à mort, comme dans Saw, mais la mise à mort de la mise en scène par le truchement d'un renvoi constant au spectateur et au film lui-même, dont le paroxysme se trouve dans cette scène où Paxton se voit contraint de couper l'oeil exorbité et carbonisé de la Japonaise, référence directe au Chien Andalou de Luis Buñuel et Salvador Dali, bien évidemment. Car il s'agit bien ici de disséquer le regard que porte le spectateur sur la fiction et la fiction elle-même.

En conclusion, et pour abréger cette pseudo-analyse du film, j'ajouterai simplement que, assez esthétique, bien montée, bien écrite et dans l'ensemble plutôt bien jouée, Hostel est une oeuvre efficace, intéressante et critique, qui, avec sa suite, Hostel 2, tout aussi bonne, augure du meilleur concernant les futures réalisations d'Eli Roth, petit protégé de Tarantino (à titre indicatif, il joue "l'ours juif" dans Inglourious Basterds...).

Note : 7.5/10


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