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Jesus Christ Vampire Hunter


Jesus Christ Vampire Hunter Année : 2001

Titre original : Jesus Christ Vampire Hunter

Réalisateur : Lee Demarbre

Une horde de vampires héliophiles sème la panique en ville, multipliant depuis quelque temps déjà victimes et victoires sur des ecclésiastiques pourtant combatifs. Parmi ces derniers, un prêtre punk, accompagné de son fidèle acolyte, décide de s'en aller quérir l'Elu, notre Sauveur en personne, j'ai nommé Jesus Christ, alias Jésus de Nazareth, fils de Dieu, prophète et chasseur de vampires de son état, pour mettre définitivement fin au calvaire. C'est l'occasion pour ce dernier de découvrir les joies du monde moderne, les piercings, la musique électronique et les lesbiennes, de chanter en choeur avec des citadins heureux et de multiplier miracles et pains dans un monde où religion rime avec baston.

D'humeur cinéphile et cinéphage à l'approche des fêtes d'Halloween et de Noël, vous parcourez votre vidéothèque à la recherche d'une oeuvre que vous n'avez pas encore eu l'occasion de voir et qui se trouverait alors être en parfait accord avec votre état d'esprit du moment, lorsque, tout d'un coup, par un remarquable jeu de lumières, voilà qu'un rayon de soleil vient auréoler d'un éclat particulier la jaquette d'un DVD jusqu'alors demeuré dans l'ombre, à tel point que jamais vous ne l'aviez remarqué dans cet inextricable fatras de films en tout genre que constitue votre collection, ce malgré l'insatiable appétit qui depuis tout petit vous fait ingurgiter long métrage après long métrage sans interruption. Sur la boîte, en lettres écarlates, vous lisez : Jesus Christ Vampire Hunter. Trop curieux pour être patient, vous vous empressez d'enfiler, sans même prendre le temps de jeter un oeil à ce qui se trouve sous le titre, l'auréole iridescente dans votre fidèle lecteur. Les lumières sont éteintes, dehors le vent souffle et soudain les premières images apparaissent. Le suspense est à son comble.

Jesus Christ Vampire Hunter Et il aurait été bon de l'y laisser, songez-vous après seulement quelques secondes. Quoique. Après tout, vous ne vous attendiez pas au chef-d'oeuvre du siècle, alors pourquoi ne pas regarder jusqu'au bout ce qui s'annonce comme le nanar le plus infâme que vous ayez vu de votre vie ? Et, vous ne le savez pas encore, le plus drôle. Tout d'abord surpris par l'apparition d'un étrange barbu dont le discours n'est autre qu'une reprise de versets bibliques fort à propos, vous vous laissez progressivement happer par l'atmosphère improbable de ce Buffy contre les vampires au masculin (voire au divin), ne cessez de rire à chaque nouveau plan, chaque nouvelle réplique et chaque nouvelle musique, car c'est en effet là que réside tout l'intérêt de cette oeuvre volontairement grotesque et visiblement "faite à la main" : tout, absolument tout dans ce film est mauvais, des acteurs au montage, en passant par le scénario, les cadrages, les dialogues et, last but not least, les bruitages. Exception faite de la musique. Mais nous y reviendrons.

Tout d'abord, parlons du scénario, si tant est qu'il y en ait un : Jésus, de retour d'entre les morts et du baptême en mer d'une dame d'un certain âge, entreprend de terrasser les viles démons aux dents pointues qui depuis peu opèrent nombre de conversions parmi les citoyens, moyennant force morsures et ketchup. Las, de puissants vampires se mettent en travers de son chemin de croix, ce qui a le don de provoquer son divin courroux : résultat, ces créatures démoniaques voient bientôt ce cher J.C. leur dévoiler un corps d'athlète ("Body of Christ !", s'exclame-t-il en frappant de son index son poitrail) ainsi que des talents d'expert en arts martiaux insoupçonnés, si bien qu'en fin de compte ils finissent tous par ne plus mordre que la poussière, un pieu dans le coeur après un bon coup de pied au cul. Ces vampires-là ne sont pas prêts de se mesurer à ce Karaté Christ de sitôt. Voilà donc résumé, dans ses grandes lignes, le scénario de Jesus Christ Vampire Hunter. Ajoutez à cela de nombreuses scènes dépourvues de toute logique (pourquoi Jésus et sa partenaire, Mary, trouvent-ils un laboratoire clandestin dans les sous-sols d'un immeuble choisi au hasard ? Et pourquoi sont-ils descendus dans ces sous-sols ? Et pourquoi le chirurgien a-t-il besoin de peaux de lesbiennes pour rendre les vampires résistants au soleil ? Ces demoiselles auraient-elles une résistance au soleil plus élevée que la moyenne ?), des incohérences à n'en plus finir et des interludes totalement dépourvus d'utilité (l'homme barbu récitant quelque verset de la Bible probablement choisi pour sa pertinence, ou peut-être son impertinence), et vous obtenez l'un des scénarii les plus absurdes de l'histoire du cinéma.

Parlons maintenant des acteurs. Ils sont mauvais, comme on pourrait s'en douter. Mais il y a deux types de mauvais acteurs. Il y a ceux qui s'acquittent de leur tâche de manière professionnelle, incapables d'être en phase avec leur rôle, mais capables néanmoins de dire quelques lignes de dialogue devant une caméra sans paraître totalement ridicules. Et puis il y a ceux qui, vraisemblablement, n'ont jamais joué la comédie de leur vie, ne sont pas doués pour ça, et s'en donnent à coeur joie lorsqu'il s'agit d'interpréter un (d)rôle et de faire les pitres devant l'objectif pour la première fois. Mais il y a pire. Oui, depuis que Jesus Christ Vampire Hunter est sorti, une toute nouvelle catégorie de mauvais acteurs est apparue : ceux qui, non contents de faire rire les spectateurs à leur insu (au leur propre et à celui des spectateurs, s'entend), se paient le luxe de jouer dans une production qui dispose d'un budget tellement limité que les plans sont tournés sans aucun moyen d'enregistrer le son, avec pour conséquence inévitable un doublage lamentable en post-production. Et qui pouvait bénéficier le mieux d'un tel traitement, sinon Jésus Christ lui-même ? Etrangement, voire miraculeusement, ce défaut technique sert le sens (s'il en est un) de cette oeuvre pour le moins iconoclaste, en ceci que Phil Caracas, alias J.C., qui semble constamment parler dans sa barbe (littéralement), se retrouve de la sorte doté d'une voix d'outre-tombe, grave et puissante, en somme une voix des plus divines - et des plus débiles par la même occasion.

Comme vous avez pu le lire au cours des lignes qui précèdent, Jesus Christ Vampire Hunter, pour des raisons probablement purement économiques, ne fut sonorisé qu'après le tournage, ce qui implique, non seulement que toutes les voix ont été doublées, mais également que les créateurs de cette oeuvre inoubliable durent enregistrer tous les bruitages après coup. Ce qu'ils semblent avoir oublié de faire pour nombre de scènes, le reste du film étant manifestement "bruité à la bouche", comme le dit si joliment l'une des voix off de La Cité de la peur (1994) lors d'une scène, elle, véritablement d'anthologie. Résultat, certains passages sont totalement muets, tandis que d'autres, avec leurs pifs et leurs pafs incessants, ressemblent peu ou prou à la séance de jeux d'un enfant de sept ans. Cependant, comme par l'intervention du Tout-Puissant, la bande sonore est sauvée in extremis par des compositions aussi mal assorties qu'entraînantes, qui nous font passer des seventies à la techno des années quatre-vingt-dix en nous gratifiant, au passage, d'un ersatz de comédie musicale (durant lequel notre Sauveur accomplit miracle après miracle, la danse improbable de figurants mal entraînés n'étant pas des moindres), dont l'incongruité n'a d'égale que la piètre qualité de la chorégraphie. Sauvée, disais-je ? Par ça ? Eh bien, oui, sauvée ! Car, si les morceaux qui composent la bande originale de Jesus Christ Vampire Hunter n'ont souvent pas grand-chose à voir avec les images (tournées, à n'en point douter, par des cameramen amateurs aussi bien que parkinsoniens, éclairées par des aveugles et montées par des manchots qui n'ont pas eu la chance, eux, de croiser la route de notre Sauveur), ils n'en demeurent pas moins - parfois - agréables à entendre - voire à écouter, pour qui s'est découvert un goût certain pour le kitsch.

Lorsque le générique, agrémenté d'un mémorable bêtisier (comme si le film n'en était pas un lui-même), arrive enfin, vous avez encore en tête ces musiques et ces bruitages inimitables, ainsi que quelques répliques gravées à tout jamais dans votre mémoire ("If I'm not back in five minutes, call the Pope !", "We're running short on skin. We'll need to harvest more lesbians."), et vous vous dites, bien malgré vous, et ce malgré la nullité relative de l'ensemble, que c'est là peut-être l'un des meilleurs nanars que vous ayez vus, bien qu'il soit un tantinet longuet, et, bien malgré lui, l'un des plus drôles également. Le film une fois terminé, vous décidez donc de vous ruer sur votre ordinateur aussitôt pour en rédiger une critique, mais de ne pas lui donner la moindre note, Jesus Christ Vampire Hunter ne pouvant être décemment qualifié d'oeuvre cinématographique. A défaut, vous concluez en le recommandant vivement aux spectateurs avides de nanars, que ce Jésus-là ne laissera certainement pas de marbre, et priez ensuite pour le salut de leur âme. Loué soit le Seigneur pour ce délicieux navet. Amen.

Note : ?/10


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