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Nico


Nico Année : 1988

Titre original : Above the Law

Réalisateur : Andrew Davis

Expert en arts martiaux spécialisé dans l'aïkido, Steven Seagal, alias Nico Toscani, fut autrefois recruté par la CIA pour des missions très spéciales au Viêt Nam. S'étant aperçu sur place de la cruauté de son supérieur hiérarchique, un dénommé Kurt Zagon, qui n'hésitait pas à torturer des innocents pour le plaisir à l'aide de penthotal, Nico tenta de s'y opposer au péril de sa vie, que l'un de ses amis, s'interposant entre les deux hommes, sauva in extremis en lui enjoignant de prendre l'hélicoptère et de partir au plus vite. Ce qu'il fit. Depuis, Nico s'est engagé dans la police, à Chicago, combattant le crime à sa manière, tout aussi violente qu'efficace. Malheureusement, son passé finit par le rattraper lorsqu'un petit dealer qu'il vient d'interpeller lui propose, en échange de sa liberté (celle du dealer, et non de Nico), de le renseigner sur une affaire importante - une proposition que Nico ne peut bien évidemment pas refuser. Après quelques préparatifs, Nico et toute son équipe mettent donc la main sur une immense réserve de C4 et plusieurs criminels sous les verrous. C'était cependant sans compter l'intervention de personnes haut placées, prêtes à tout pour faire libérer les bandits et disparaître les explosifs, qui bientôt serviront à faire exploser, par erreur, un prêtre dans sa propre église. Or, il s'agit du père Gennaro, que Nico Toscani connaissait depuis longtemps déjà. C'était, en somme, un ami de la famille. Fou de rage, notre homme entreprend sans plus attendre de remonter coûte que coûte jusqu'aux commanditaires de l'attentat, moyennant moult bras cassés, mains coupées et jambes brisées. Il découvrira bientôt que derrière toute cette affaire se trouve un monstre dont le visage ne lui est pas inconnu : Kurt Zagon. Inutile d'ajouter qu'il est alors grand temps pour lui - Kurt Zagon, paniqué, mais pas Nico - de faire ses prières.

C'est le week-end. Après une semaine de travail exténuante, vous décidez qu'il est grand temps de vous reposer et proposez à votre dulcinée de lui faire découvrir un grand homme - Steven Seagal. Expert en aïkido, producteur, scénariste, acteur, auteur, compositeur, chanteur et guitariste. Un véritable homme à tout faire. Face au manque visible d'entrain de votre compagne, qui le connaît de réputation, vous arguez que son tout premier film, Nico, n'était pas si mauvais, et que rien ne vaut le charisme de Steven Seagal. Ce film, vous l'avez vu lorsque vous étiez encore enfant. Vous en avez gardé des souvenirs confus de violence physique et de vulgarité verbale, de blues et de bleus, de scènes d'action d'une efficacité redoutable et de méchants plus méchants que jamais. Vous avez pourtant l'impression que, malgré toutes ces qualités, Nico, s'il n'était pas si mauvais, n'était pas non plus si bon que ça. Vous abandonnez donc peu à peu l'idée de le revoir, de peur d'être déçu. Las, votre compagne est d'ores et déjà conquise et, la voyant insister, vous ne parvenez finalement pas à lui résister et prenez dans votre vidéothèque le DVD fatidique, que vous enfonçez aussitôt dans votre lecteur. Les premières images apparaissent bientôt, sans même un menu. Soudain, sans trop savoir pour quelle raison, vous êtes inquiet.

Dès les premiers instants, vous savez qu'il ne s'agit pas là d'un chef-d'oeuvre, loin s'en faut. Si la séquence d'introduction, qui nous présente le passé de Nico narré par ses soins en voix off, peut présenter quelque intérêt pour qui s'intéresse à la façon dont Steven Seagal intègre constamment à sa filmographie des éléments autobiographiques (ici, l'enseignement de l'aïkido dans un dojo japonais, puis son engagement dans les forces de l'ordre), il n'en demeure pas moins que le film se caractérise assez rapidement par une technique bien pauvre, une photographie dont la cohérence n'a d'égale que la fadeur, un montage parfois douteux et des acteurs au jeu pour le moins monolithique - si l'on excepte Pam Grier, qui interprète la coéquipière de Nico. Le charisme de Steven Seagal est cependant bien réel, et vous sentez bien qu'à défaut d'autre chose, il vous faudra vous en contenter. Votre chère et tendre, elle, somnole déjà.

Très vite, le scénario s'enlise et se complique inutilement, vous plongeant dans de profondes réflexions philosophiques ("Que fait donc Sharon Stone dans ce film ? Et pourquoi joue-t-elle une femme au foyer soumise et silencieuse, un rôle qui la relègue littéralement au seconde plan ? Parce qu'elle est italienne ? Décidément, les clichés ont la vie dure. Et pourquoi le père Gennaro s'occupe-t-il d'immigrés clandestins, que Nico protège a son tour et qui n'ont strictement rien à voir avec rien ? Mystère."). Patiemment, vous attendez donc les quelques scènes d'action dont est parsemé le film. Et sur ce point, vous en avez enfin, comme on dit, pour votre argent. Cassant les jambes à tour de bras et brisant les bras de ceux qui tentent de prendre leurs jambes à leur cou, Steven Seagal impose d'emblée son style de combat, rapide, efficace et, d'une certaine façon, tout en finesse : en effet, l'acteur aux sourcils froncés et lèvres serrées ne semble pas chercher à impressionner le spectateur, les combats ne prenant jamais des proportions épiques ou grotesques, comme c'est le cas dans l'écrasante majorité des films d'arts martiaux. Non, Seagal, lui, préfère le réalisme à l'esbrouffe, faisant plus en faisant moins. Paradoxalement, cela se traduit par une violence visuelle extrême, l'absence d'exagération esthétique engendrant un certain malaise - ce qui s'explique tout simplement par la satisfaction, le plaisir, voire la jouissance que l'on peut éprouver en voyant Nico malmener ses ennemis, que le réalisateur prend toujours soin de présenter comme d'indécrottables crapules, si je puis me permettre l'allitération.

Lorsque la scène finale arrive, vous avez depuis longtemps déjà saisi les enjeux de cette mise en scène un tantinet confuse : un lent crescendo mène irrémédiablement à l'affrontement du bien contre le mal, c'est-à-dire de Zagon contre Seagal. Vous n'allez cependant pas jusqu'à songer que le prénom de Zagon, Kurt, est un clin d'oeil direct au personnage de Kurtz, dans Heart of Darkness (1899), de Joseph Conrad. Ce qui pourrait, dans une certaine mesure, faire sens. Peut-être à l'adaptation qu'en fit Francis Ford Coppola, cela dit - j'ai nommé Apocalypse Now, réalisé en 1979. Peut-être. Toujours est-il que vous et votre compagne êtes finalement bien heureux - malgré vous - de voir le grand méchant de l'histoire se faire mettre à mal, puis à mort, par un Nico visiblement hors de lui - sourcils encore plus froncés, lèvres encore plus serrées. Le générique commence alors à défiler. Vous vous sentez soulagé - les méchants ont payé pour leurs méfaits et le film est enfin terminé. Le temps d'en rédiger la critique est venu. Reconnaissant qu'une "petite partie d'ultra-violence", comme le formule si joliment l'anti-héros de A Clockwork Orange (1971, de Stanley Kubrick), ne peut pas faire de mal, vous décidez au cours des dernières lignes d'accorder quelques malheureux points à cette petite production sans prétention, ne serait-ce que pour la présence (et quelle présence !) de Steven Seagal et de sa fidèle queue de cheval.

Note : 4/10


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