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Soleil vert


Soleil vert Année : 1973

Titre original : Soylent Green

Réalisateur : Richard Fleischer

2022. On étouffe. Il fait chaud. La Terre est surpeuplée. Les gens vivent entassés les uns sur les autres. Dans une extrême pauvreté. Ne se nourrissant au quotidien que de produits artificiels - le Soleil rouge, le Soleil jaune et le Soleil vert. Il y a souvent pénurie. Les émeutes sont fréquentes. Le détective Thorn, affecté la plupart du temps à la brigade anti-émeute, ne manque ainsi jamais de travail. Mais c'est le meurtre du richissime Simonson, homme d'une grande importance au sein de la société Soylent, dont émanent les différentes variétés de Soleil, qui retient toute son attention. A l'aide de son fidèle acolyte, Sol Roth, un vieux libraire nostalgique de l'époque où la Terre était encore fertile, il finira par découvrir la terrible vérité : les vieillards sont exterminés en masse dans les usines de Soylent, et leurs corps constituent l'ingrédient principal du Soleil vert.

Bien avant l'amusant Conan le destructeur (1984), Richard Fleischer offrait aux spectateurs un film d'anticipation pour le moins dérangeant. Si l'analogie qu'établit le réalisateur entre le massacre des vieillards et le génocide juif n'échappe à personne (le vieil ami de Thorn, qui perd à la fin la vie, s'appelle Salomon), il va de soi que ce dernier ne se contente pas de filer une métaphore un peu facile. En effet, Soleil vert nous propose une lente plongée sous forme d'enquête policière au coeur d'un futur infâme, où règnent la pauvreté, la famine et le meurtre industrialisé, conséquences directes de la façon dont les hommes, pendant des années (les nôtres), ont exploité les ressources de la Terre, loin malheureusement d'être inépuisables. On l'aura compris, Soleil vert se veut une fable écologique avant l'heure, qui, plus que du futur, nous parle véritablement d'un présent dont nous sommes tous plus ou moins responsables. Il s'agit donc d'un film que le Führer, soi-disant végétarien de renom, qui avait par ailleurs fait promulguer des lois pour la protection des animaux, n'aurait pas renié...

Puisque nous voilà revenus au sujet de la Seconde Guerre mondiale, une question se pose : comment le réalisateur entremêle-t-il l'idée de l'Holocauste et celle d'un monde où l'on traite les retraités et les vieillards comme de la vulgaire matière première, autrement dit comme de la viande ? Pour le formuler plus simplement, comment nous fait-il passer de l'Etat nazi à l'euthanasie ? Eh bien, le plus simplement du monde : s'étant approprié certains documents d'archives, Richard Fleischer n'hésite pas à filmer des tracteurs ramassant des manifestants à la pelle et les broyant parfois au passage, des bennes à ordures récoltant en masse les cadavres de vieillards et le recyclage de ces derniers sous forme de Soleil vert, les clins d'oeil à Nacht und Nebel n'étant alors que par trop évidents. Sans compter le gaz dans lequel baigne la ville tout au long du film - tout comme dans le plus récent Matrix, un filtre donne à cet univers une teinte verdâtre visuellement étouffante, qui permet au spectateur de s'immerger - et de se noyer - complètement dans cet univers concentrationnaire des plus suffocants.

Mais, avec le Soleil vert, ce n'est pas seulement l'humanité qui se meurt, mais également la vie sur Terre dans son ensemble qui s'eclipse : Richard Fleischer anticipe ainsi la nostalgie future d'un monde encore pur, un monde idyllique où vivaient en harmonie les hommes et les bêtes, un monde paradisiaque qui n'est dans Soleil vert plus que fiction : ce jardin d'Eden se présente désormais sous la forme d'un documentaire d'une vingtaine de minutes, auquel ont droit, bonheur suprême, les victimes de la solution finale (littéralement, puisque cette solution, les vieillards l'ingèrent) avant le grand départ. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

En conclusion, le film de Richard Fleischer, servi par de très bons acteurs, Charlton Heston en tête, sans être révolutionnaire, se démarque malgré tout par l'originalité de son propos, la qualité de son scénario, de son montage et de sa photographie, sans oublier de tenir constamment le spectateur en haleine à l'aide d'une question simple, mais efficace : pourquoi ?

Note : 8/10


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