Qu'ont en commun Jimi Hendrix, Stevie Ray Vaughan, Kirk Hammett, Keith Richards, Jimmy Page, Ritchie Blackmore, Yngwie Malmsteen,
Kurt Cobain, John Frusciante, David Gilmour, Janick Gers, Adrian Smith,
Mark Knofler et tant d'autres guitaristes de légende ? Non, pas leur mort subite à vingt-sept ans dans des
circonstances grotesques (certains sont encore vivants, et tous n'ont pas fini noyés dans leur
propre vomi). Non, leur point commun, c'est la Stratocaster. La divine Stratocaster. "It will be mine,
oh yes, it will be mine !", s'exclame Wayne, le héros du film Wayne's World,
en voyant la guitare auréolée de lumière dans la vitrine d'un magasin de musique, alors qu'il se balade en voiture avec ses amis.
Il est en pleine
extase. Et il y a de quoi.
La Stratocaster vit le jour en 1954, aux Etats-Unis. Son père, Leo Fender,
voulait apporter aux guitaristes professionnels de l'époque un instrument de qualité, conçu dans le but de répondre
aux exigences des uns et des autres en matière de sonorités et de confort de jeu, sans négliger d'apporter
à l'univers de la guitare électrique une esthétique révolutionnaire et presque futuriste, qui devait finir par en devenir la figure
emblématique : son corps plein fait d'aulne ou de frêne, son manche en érable massif parfois doté d'une touche en palissandre,
ses trois micros à simple bobinage, ses formes féminines
depuis connues sous le doux nom de French curves et son bras de vibrato tendu vers l'éternité, tout dans son
apparence laissait déjà deviner les mélodies tout aussi délicieuses que malicieuses qui surgiraient bientôt de cette boîte de Pandore
aux allures de flamme fatale.
Il suffisait simplement de gratter un peu...
Du blues endiablé de Stevie Ray Vaughan au heavy metal néo-classique ultra-rapide d'Yngwie Malmsteen, en passant par le rock retro
de Dire Straits et le hard rock aussi lourd que puissant de Metallica, le son précis, nasillard et cristallin de la Stratocaster créée par
Clarence Leonidas Fender, inventeur également de la non moins célèbre Telecaster,
première guitare électrique à corps plein produite en série - qui fête aujourd'hui ses soixante ans -,
ce son précis, nasillard et cristallin, disais-je,
a su sans mal traverser l'épreuve du temps, se parant au passage
des plus beaux effets afin de rester toujours au goût du jour, séduisant des générations de mélomanes et de musiciens venus d'horizons
divers et lointains.
Mais le plaisir apporté par la Stratocaster est loin de s'arrêter aux oreilles. Au contraire, il se prolonge jusque dans les doigts, avec un
toucher comparable à la volupté du velours, tant il est aisé d'en parcourir le manche et d'en explorer les limites physiques, notamment grâce à la présence
de pans coupés, qui rendent les dernières cases bien plus accessibles que sur d'autres guitares.
Régal pour l'ouïe, régal pour le toucher, mais
également régal pour la vue, la Stratocaster fut l'un des premiers modèles de guitare électrique à proposer des coloris originaux et vifs,
se démarquant ainsi des teintes boisées traditionnelles ou du sunburst classique. Un plaisir pour les sens, donc, y compris le goût,
semble-t-il,
puisque certains guitaristes sont allés jusqu'à gratter les cordes de cet instrument pour le moins synesthétique à grands coups de dents...
Depuis le début de la production des Stratocaster en 1954, cette dernière s'est au fil du temps vu doter d'un grand nombre de petites soeurs
et de cousines plus ou moins éloignées, autant de modèles qui témoignent de son influence et de sa qualité, certains, comme la
Stratocaster Deluxe, tentant même d'en sublimer les caractéristiques tout en tâchant d'en conserver les principaux atouts.
Récemment ressuscité sous
le nom d'American Standard en l'an de grâce 2008, gageons que ce bel oiseau
de feu continuera de nous fasciner, de nous émerveiller,
que dis-je, de nous électriser par son chant de sirène des années durant,
lors de longues nuits solitaires, de dîners romantiques, de promenades sous la lune
ou bien encore à l'occasion de concerts survoltés
en compagnie de
ceux qui le mieux sauront faire parler le corps et vibrer les cordes de cette belle au bois mordant.
Sources : l'histoire de la Telecaster présentée dans le numéro 244 du magazine Guitarist & Bass et l'article consacré à la Stratocaster sur Wikipedia.
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