Année : 1987
Titre original : Gor
Réalisateur : Fritz Kiersch
Tarl Cabot, professeur de physique à l'université, prépare une thèse sur une pierre nommée Gor, héritage familial
qu'il porte au doigt depuis des années et qui lui vaut d'être l'objet de railleries incessantes de la part de ses
étudiants et collègues. Parti faire des recherches dans une contrée lointaine, notre jeune héros se retrouve soudain téléporté
sur une autre planète, qui, ô surprise, porte le doux nom de Gor. Commence alors une série d'aventures plus ou moins
risibles et viriles dans un monde magique que l'on croirait tout droit sorti des récits d'heroic fantasy
les plus mauvais et les plus caricaturaux qui soient, un monde dans lequel chaque village possède une pierre-talisman,
préciseuse parce que protectrice, qu'un roi barbare et barbu tente évidemment de s'accaparer par tous les moyens
possibles et imaginables, c'est-à-dire par le vol, le viol et la violence pure et dure. Il était grand temps qu'intervienne
Tarl Cabot, jeune homme timide et frêle qui, en l'espace de quelques plans et implants, devient aussi musclé qu'un certain
Conan.
C'est l'été. La canicule vous empêche de sortir et tous les volets sont, par mesure de sécurité, fermés. Les ventilateurs -
oui, les ventilateurs, au pluriel - tournent à plein régime toute la journée durant depuis déjà quelques semaines. Le moindre
mouvement vous fait suer abondamment. Vous être donc avachi dans votre canapé, devant votre écran de télévision. Des images
défilent, sans logique apparente, qui vous vantent les qualités de tel ou tel produit ménager, de telle ou telle mousse à
raser, et de vagues soubresauts redonnent à vos neurones, le temps d'une pensée fugitive, un soupçon de vitalité :
pourquoi ne vous regarderiez-vous pas un bon petit film, au lieu de rester là sans rien faire, à vous laisser lobotomiser
par les pages de publicité, les séries télévisées et les bulletins de désinformation ?
Vous regardez alors le programme, et aussitôt voilà qu'un titre étrange attire votre attention :
Gor. Non, ce n'est apparemment pas un film d'horreur. Vous vous méfiez,
savez pertinemment qu'il ne s'agit certainement pas là d'un chef-d'oeuvre, compte tenu de sa note, mais
aucun résumé ne vous permet d'avoir un aperçu de l'histoire, et votre curiosité maladive l'emporte.
Mécaniquement, votre main enfonce quelques touches sur votre télécommande et la chaîne sélectionnée
s'affiche alors à l'écran. Les premiers noms du générique - italiens, cela vous inquiète, d'autant plus que
vous repérez, furtivement, un certain Jack Palance -
défilent sur quelques notes épiques, cependant
que vous vous calfeutrez confortablement dans votre canapé, après vous être assuré d'avoir à disposition
de quoi grignoter ainsi qu'un bon litre et demi d'une boisson fluorescente et sucrée. Vous êtes fin prêt.
Premiers plans. Ce n'est pas si mal, pensez-vous, peut-être un peu hâtivement. C'est d'une facture assez classique,
la musique, quelque peu caricaturale, n'est cependant pas désagréable et le montage, film datant des années
quatre-vingt oblige, ne consiste pas en une juxtaposition de plans d'une fraction de seconde. Reste que le rythme semble
mou. Vraiment mou. Mais vous n'avez pas le temps de vous attarder sur ces détails, car voici venu le moment de vérité :
les premières répliques des premiers acteurs. Et le verdict ne se fait pas attendre : les acteurs, tous autant qu'ils sont,
excellent dans la médiocrité. Ils sont amusants malgré eux, les dialogues également, et la présence de Jack Palance, que vous
attendez avec impatience, vous permet de supporter sans mal ces splendides prestations. Las, Jack Palance ne fera son apparition
que dans les dernières minutes du film, mais vous ne le savez pas encore. Alors vous endurez.
Se trouve bientôt déployée sous vos yeux ahuris la panoplie complète du film d'aventures à la Conan (qui, lui, soit dit
en passant, était
bon) : des hommes musclés se battent, des femmes musclées se battent, des nains musclés se battent, tout le monde se bat,
le tout sur fond de danses érotiques, de pierres qui brillent, de déguisements ridicules, d'épées en plastique, de tavernes
enfumées, de barbares enivrés et de décors désertiques, le film dans son intégralité se déroulant littéralement dans un désert, au beau milieu de
nulle part, ce qui permit probablement au producteurs de faire des économies conséquentes, ce afin de pouvoir financer les quelques
malheureuses scènes finales où un Jack Palance visiblement mal à l'aise et fatigué prépare, par le truchement d'un personnage
tout aussi mystérieux qu'inintéressant, une suite au chef-d'oeuvre que vous venez de subir pendant plus d'une heure et demie.
Car, oui, Gor se vit bel et bien doté, deux ans plus tard, d'une suite, sobrement intitulée
Gor 2 (ou bien encore Les Bannis de Gor, Outlaw of Gor étant le titre original). Cela, vous le découvrez
pendant la rédaction de votre critique, alors que vous tentez tant bien que mal de glaner, ici et là, quelques bribes d'information.
Au passage, vous découvrez également que ce film fantastique
(cet adjectif se rapportant au genre et non à l'indéniable qualité de cette
réalisation de Fritz Kitsch - pardon, Kiersch) est en réalité une adaptation des Chroniques de Gor, une saga composée d'une trentaine de romans sortie
tout droit de l'imagination d'un certain John Norman et qui, depuis la parution du premier tome, Le Tarnier de Gor (Tarnsman
of Gor, en anglais), en 1966, a, entre autres choses, fortement influencé le milieu du BDSM (Bondage et Discipline, Domination et Soumission et
Sado-Masochisme) et provoqué la colère des féministes - les esclaves de Gor sont principalement des femmes, censées trouver
le bonheur dans leur soumission inconditionnelle aux hommes -, que le machisme sous-jacent de l'oeuvre de ce professeur de
philosphie à la CUNY (City University of New York - aucun rapport, donc, avec ce à quoi vous pensiez, oui, vous, lecteur pervers
qui me lisez en ce moment même) rendait hystériques et qui, à force d'acharnement, parvinrent finalement
à faire interdire la saga aux Etats-Unis.
Votre curiosité sera-t-elle forte au point de vous pousser à vous plonger dans l'oeuvre de John Norman ? Regarderez-vous un
jour Gor 2 ? Deviendrez-vous adepte des pratiques sado-masochistes inspirées par cette saga ?
Cela, seul l'avenir nous le dira. En attendant, vous vous apprêtez à sauter une ligne afin
de mettre à ce film la note qu'il mérite.
Note : 2/10. Du grand nanar avec du muscle et des nanas, que demande le peuple ?
Werna 2009-2023