Année : 1987
Support : NES
Titre original : Rockman
Dévoloppeur : Capcom
Rock est l'un des robots créés par les professeurs Light et Wily. Lorsque ce dernier décide de s'accaparer
Cutman, Gutsman, Fireman, Iceman, Elecman et Bombman en les reprogrammant dans le but de devenir le maître du monde, Rock et sa
soeur Roll (Rock'n'Roll, donc...), les seules machines que Wily n'a pu convertir à sa cause,
s'engagent auprès de Light à combattre le mal et ramener la paix sur Terre. Transformé en robot de combat
surpuissant doté d'un canon à plasma en guise de bras droit, Rock, devenu Megaman, part en croisade contre l'armée
de Wily.
Megaman, développé par Capcom, sort en France en 1989, sur la console de salon de Nintendo connue
sous le nom de NES (Nintendo Entertainment System). Les joueurs français ne connaissaient alors pour la plupart, en manière
de jeux de plates-formes, qu'un nombre restreint de titres à l'univers et au concept pour le moins enfantins, tels que
Super Mario Bros et Donkey Kong, si l'on excepte Castlevania, de Konami, plus complexe,
plus sombre et surtout plus mature que ses concurrents. Megaman arrive donc à point nommé pour insuffler au genre
un grand nombre d'idées nouvelles et lui donner, par la même occasion, ses lettres de noblesse.
En effet, Megaman, c'est tout d'abord la fin de la linéarité lassante héritée des grands classiques du genre :
le joueur peut désormais, dès le départ, choisir son chemin parmi six niveaux disponibles correspondant aux premiers boss du jeu. Chaque adversaire
possède ses caractéristiques propres (un peu comme dans un jeu de combat, la comparaison ne s'arrêtant probablement pas à ce détail), que Megaman,
autre grande innovation du gameplay, pourra s'approprier une fois l'ennemi vaincu. Visuellement, cela se traduit par un changement dans la couleur
de la combinaison portée par le robot - inutile d'un point de vue strictement logique (à quoi sert en effet de changer de tenue lorsqu'on change d'arme ?),
mais extrêmement bien pensé d'un point de vue vidéoludique (il est plus facile ainsi de voir et de savoir quelle arme on porte à l'écran sans avoir à plisser les yeux,
ce qui, à l'époque
où les graphismes 8 bits contraignaient les créateurs à faire preuve de beaucoup d'imagination faute de capacités d'affichage suffisantes,
permettait également aux concepteurs de conserver
le même personnage et, par conséquent, les mêmes animations, simples, nettes, efficaces, quelle que fussent ses particularités du moment).
Une fois les six différents pouvoirs
obtenus, cependant, le jeu redevenait linéaire afin de proposer au joueur aguerri un challenge à sa mesure, voire à sa démesure, dans une succession de
niveaux tous plus difficiles les uns que les autres, et ce, sans possibilité de sauvegarde et sans code.
D'une grande difficulté, Megaman ? Oui, c'est certain. Néanmoins, cette difficulté resposait entièrement sur la capacité du joueur
à mémoriser les niveaux, développer ses propres méthodes pour vaincre des ennemis variés et combattre les boss, et non sur l'impossibilité d'effectuer
telle ou telle action provoquée par un bug, un problème de programme, comme c'était et c'est encore le cas dans nombre de jeux, la jouabilité se trouvant être d'une
indéfectible précision, à l'exception de quelques ralentissements ici ou là. De plus, NES oblige, on contrôle immédiatement le personnage à la perfection dès la toute première partie, deux
boutons suffisant à accomplir toutes les actions, soit sauter et tirer, la croix multidirectionnelle servant, elle, uniquement à se déplacer (ce qui ne sera plus le cas
dans les autres épisodes de Megaman). Enfin, les graphismes, tout à la fois détaillés, lisibles et colorés, ne sèment jamais la
confusion dans le cerveau du joueur : on sait où sont les plates-formes, les personnages et les pièges, le tout s'avérant d'une grande homogénéité esthétique, pour le
plus grand plaisir de nos pupilles.
Homogénéité esthétique, voire artistique. Car Megaman est un jeu cohérent, tant dans le fond que dans la forme : à la simplicité
ludique répond la simplicité graphique et narrative, tandis que les musiques et les bruitages viennent agrémenter l'ensemble d'une ambiance futuriste unique.
En un mot, tout est beau. La bande originale composée par Manami Matsumae, qu'on dirait venue d'un vrai groupe de rock ou de heavy metal, tout à la fois mélodique et mélodieuse,
nous transporte et nous emporte dans ce monde de bits, de bots et bips, d'écrans, d'écrous et de créatures métalliques, sans jamais être parasitée
par les bruitages. Au contraire, ces derniers se fondent et se confondent avec la musique du jeu comme deux mélodies le feraient en contrepoint, se mêlant et s'entremêlant
de la sorte pour produire une autre mélodie, plus complète et plus complexe. Enivré par l'ambiance sonore et fasciné par l'univers graphique industriel de Megaman,
le joueur finit par avoir l'impression d'évoluer dans un décor synesthésique (si le néologisme m'est permis) : son ouïe et sa vue devenant interchangeables, il
intègre le rythme du jeu, l'apprend par coeur comme on apprendrait un morceau, se sert de sa manette comme d'un instrument, se fait virtuose en atteignant le but
ultime, autrement dit la partie parfaite, sans fausse note et sans faux pas.
Megaman serait-il, pour finir, ce qu'il serait convenu d'appeler une oeuvre d'art ? C'est fort probable.
Après tout, ce dernier, puisant certainement en grande partie son inspiration de Superman et d'Astro Boy (le personnage créé par Osamu Tezuka),
se paie jusqu'au luxe de nous proposer une morale digne de Terminator : les robots ne sont ni bons, ni mauvais ; tout dépend
de l'usage qu'en font les hommes. Le beau, le bien, le vrai. Tout y est. Oui, Megaman,
avec son univers tout aussi inspiré qu'inspirant, son esthétique particulière et son atmosphère musicale inoubliable,
est bel et bien une oeuvre d'art à part entière - et il serait dommage que son grand âge le fasse à tout jamais sombrer dans l'oubli.
Jouez-y.
Note : 9.5/10
Werna 2009-2023