Année : 1982
Titre original : Running Man
Auteur : Stephen King (à l'époque sous le pseudonyme de Richard Bachman)
Une histoire simple dans un futur effroyable : en 2025, Ben Richards, père de famille au chômage et sans le sou, doit à tout prix trouver de l'argent
pour acheter les médicaments dont sa fille a besoin pour soigner sa pneumonie. Pour un homme tel que lui, la seule solution, c'est de s'inscrire
aux horribles jeux télévisés que programme chaque jour le gouvernement. Après une sélection drastique, Ben Richards gagne
le gros lot, qui sera l'un des deux participants de la prochaine édition de la Grande Traque, la plus célèbre émission du moment. Ce n'est malheureusement
pas une très bonne nouvelle, puisque le jeu consiste à survivre pendant trente jours à une traque nationale, à laquelle se joignent chasseurs
professionnels et riches spectateurs assoiffés de sang. Quiconque le trouvera gagnera de l'argent. Quiconque le tuera deviendra riche à l'extrême.
Inutile de dire
que personne n'a jamais survécu plus de quelques jours à pareille débauche de violence et de haine. Et si Ben a le traque,
il n'y là rien que de très normal. Dan Killian, le directeur des jeux,
ne doute donc point de sa mort
prochaine, mais c'est sans compter l'intelligence et la force de notre humble héros, qui finira par mettre un terme aux agissements de cet organisation totalitaire
en détournant un avion pour le faire s'écraser sur la tour des jeux. Game over.
Ecrit en une semaine, ce roman d'anticipation sans réelle prétention plonge rapidement le lecteur dans un univers proche de celui de
1984 (les télécrans sont simplement remplacés par le libertel, nom dont l'ironie ne vous aura sûrement pas échappé),
se concentrant avant tout sur la lutte d'un homme
contre un système, plutôt que sur une véritable analyse de ce dernier. Nous sommes donc plus du côté de David contre Goliath que du
Capital, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose. On notera par ailleurs que la simplicité du propos, qui n'est pas sans
rappeler un certain nombre d'oeuvres ultérieures (The Truman Show (1998, de Peter Weir), Acide sulfurique (2005,
d'Amélie Nothomb)),
n'a d'égale que la relative pauvreté de l'écriture (l'auteur de ces lignes,
n'ayant pas eu sous les yeux la version américaine, se contentera d'affirmer que la traduction française est exécrable), Stephen King étant
manifestement mal à l'aise avec le genre - on ne retrouve pas ici son vocabulaire habituel, à deux ou trois vulgarités près -, ce qui ne
l'empêche pas pour autant d'instaurer un suspense haletant, tant par le rythme de ses phrases (souvent courtes) que par l'usage constant
de cette épée de Damoclès qu'est la mort inéluctable de Ben - va-t-il s'en sortir ? Va-t-il mourir ? Et comment ? Ces questions persistent
jusqu'au dénouement final, qui prend littéralement la forme d'une chute. Le renversement de situation, bien que convenu, n'en conserve pas
moins toute sa délectable ironie : Richards, chassé par les riches, part à son tour à la chasse aux richards. Il gagne donc la partie.
Tuant au passage Killian, dont le patronyme
aura fini par se retourner contre lui (Kill-ian).
En conclusion, nous nous contenterons d'ajouter qu'il n'y a justement pas grand-chose de plus à ajouter au sujet de
Running Man, le roman se donnant lui-même plus comme un divertissement intelligent (l'explosion récente en France
de la télé-réalité n'a rien à envier à l'univers créé par Stephen King, qui lui-même n'a rien à envier aux célèbres jeux du cirque de la
Rome antique)
que comme une oeuvre littéraire d'une grande richesse
aux multiples niveaux
de lecture. A noter cependant que Ben a pour nom de famille le pseudonyme choisi pour l'occasion par Stephen King, ce qui pourrait constituer
un clin d'oeil critique au statut de l'écrivain, dont l'oeuvre est l'unique source de revenus, et donc l'unique moyen de survie dans un monde
extrêmement violent sur le plan social. Une dimension qui disparaîtra totalement de la sympathique adaptation de Paul Michael Glaser
avec Arnold Schwarzenegger,
sortie sur les écrans américains cinq ans plus tard. Mais ceci est une autre histoire...
Note : 7.5/10
Werna 2009-2023