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L'Amour extra-large


L'Amour extra-large Année : 2001

Titre original : Shallow Hal

Réalisateurs : Peter et Bobby Farrelly

Hal et son meilleur ami Mauricio sont obsédés par les belles femmes, celles des publicités, des magazines de mode et des films à gros lolos et gros budget, mais grande est leur frustration de célibataires endurcis, car il se trouve en effet qu'à leur naissance ils ne furent pas gâtés par Dame Nature. Pire, Hal éprouve des sentiments pour sa voisine, une jeune femme au physique d'une intelligence rare, qui refuse de céder à ses avances lourdement répétées. Fort heureusement, Hal fait la rencontre, à l'occasion d'une étrange panne d'ascenseur, d'un géant spécialisé dans l'hypnose, qui le remettra dans le droit chemin, lui fera voir les personnes, non plus pour ce qu'elles paraissent être, mais pour ce qu'elles sont, grâce à un tour de magie destiné à lui faire oublier les tours de poitrine, et prétendra que cela devrait lui permettre de reprendre confiance en lui. C'est alors une nouvelle vie qui commence pour Hal, qui s'éprend aussitôt d'une jeune blonde aux proportions divines. Son nom est Rosemary, et la demoiselle se paie le luxe d'avoir, en sus de sa grande beauté, de l'humour ainsi qu'un quotient intellectuel supérieur à celui d'une moule, chose jusque-là jugée tout aussi impensable qu'impossible par notre jeune protagoniste. Las, Rosemary est en réalité loin d'être la créature de rêve qu'elle semble être aux yeux de Hal, et Mauricio se chargera d'ouvrir les yeux de son ami, de lui faire voir le monstre d'obésité qu'il a récemment pris pour petite amie, en prononçant les mots magiques : Hal ne reconnaît dès lors plus la femme de sa vie, qui préfère se retirer plutôt que faire pâtisserie. Mais Hal est fou amoureux de sa Rosemary, et même les avances de sa voisine n'y pourront rien : prêt à tout pour retrouver sa dulcinée, plus graisseuse que gracieuse, il finira, après quelques péripéties, par la retrouver et partir avec elle, pour le meilleur et pour le rire.

Les frères Farrelly, depuis Mary à tout prix, ne sont pas connus pour leur finesse, et L'Amour extra-large ne fait pas exception à la règle : l'humour, tout comme le propos du film, y est bien lourd et bien gras, et le spectateur ne risque pas d'y voir solliciter le moindre de ses neurones - mais ce n'est après tout pas là ce qu'on lui demande. Cependant, malgré la sympathie des acteurs, Jack Black et Gwyneth Paltrow en tête, et en dépit d'une facture somme toute agréable dans l'ensemble - la musique, sans être inoubliable, est assez bonne, le montage, discret, la photographie, tout à fait banale pour une comédie -, le film souffre d'un scénario extrêmement plat - ce qui, pour un film qui traite principalement de l'obésité, est tout de même surprenant -, de dialogues et de situations souvent convenus, bien qu'on se prenne à rire ou sourire par moments, au détour d'un mauvais jeu de mots ou d'une scène cocasse, et d'une moralité pour le moins douteuse, si bien que l'on se prend finalement à s'insurger face à ce film pourtant sans réelle intelligence.

Mais de quoi peut-on bien s'insurger, vous demandez-vous, face à une production dont je dis plus haut qu'elle ne sollicite en rien l'intellect de son spectateur ? Eh bien, tout simplement du paradoxe qui sous-tend l'ensemble et qui, subreticement, sous couvert de nous proposer une nouvelle vision de l'amour qui irait à contre-courant de ce que l'on nous montre habituellement dans les salles obscures, vient au contraire renforcer une conception classique de l'attirance et des relations de séduction entre hommes et femmes, et se perd dans les méandres de ce qui n'était au fond qu'un ersatz de réflexion, sur un sujet qui méritait pourtant que l'on s'y attarde avec un peu plus de sérieux.

Tout d'abord, vous l'aurez compris, le message premier du film est plus que classique, et personne n'ira s'insurger contre ce dernier : il faut aimer une personne pour ce qu'elle est, et non pour ce qu'elle semble être. C'est beau, n'est-ce pas ? Voilà un message qui va changer le monde et qui n'a rien d'un cliché... En revanche, on peut commencer à se poser des questions quand on voit certaines associations se faire dès le début du film : les belles femmes sont presque toutes superficielles - et portent, au passage, de super ficelles -, stupides et peut-être un peu mesquines, et les femmes à la laideur prononcée - on apprend ici que l'obésité entraîne nécessairement la laideur, bien que l'inverse ne soit pas forcément vrai - sont toutes d'une intelligence et d'une sympathie remarquables. Cela est également valable pour la gent masculine. Conclusion première : quand vous voyez une personne qui vous plaît physiquement, fuyez ! Conclusion seconde : si vous trouvez une personne repoussante au possible, épousez-la, c'est probablement l'homme ou la femme de votre vie...

Mais tout irait pour le mieux dans le meilleur de l'immonde, si l'étrangeté du propos du film s'arrêtait là. Et, comme vous vous en doutez, c'est loin d'être le cas. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler ici que Hal, pour s'intéresser à une fille à l'embonpoint certain, doit d'abord croire qu'elle est la plus belle femme du monde, avant même de faire connaissance avec elle - y compris au sens biblique de l'expression -, ce qui va à l'encontre du message même que veut faire passer le film. Pire, notre homme, une fois charmé, saute sur le premier top model venu, ou presque, oubliant aussitôt la femme qu'il aimait auparavant. Or, le spectateur attentif aura remarqué que, après que Hal s'est fait hypnotisé, contrairement à toutes les autres belles filles, Jill, car c'est ainsi qu'elle se prénomme, ne se transforme pas en monstre ignoble, ce qui fait d'elle une fille bien, à qui Hal tourne malgré tout le dos, et dont il ira même jusqu'à refuser les avances, sous prétexte qu'il s'intéresse désormais à une fille bien plus belle, bien que fort laide en réalité - ce qu'il ne sait pas au départ, mais dont il finit par se rendre compte, décidant, visiblement à contre-coeur, de courir après la grosse Rosemary - à la voir si grosse, on en vient d'ailleurs à se demander si cette Rosemary-là ne va pas elle aussi avoir un bébé -, afin de se faire pardonner et de finir ses jours avec elle, bien qu'elle le dégoûte. C'est, comme disait l'autre, l'amour avec un grand tas.

Pour finir, rappelons que l'amour, un bien grand mot, ne fait en réalité que désigner un processus de sélection naturelle fort simple, qui vise à faire se reproduire les spécimens les plus résistants, les plus endurants, en somme les plus aptes à survivre, afin que l'espèce ne finisse pas par s'éteindre d'elle-même. Si l'on est en général, de nos jours, peu attiré par les personnes obèses, ce n'est donc pas nécessairement parce qu'elles sont laides, mais bien plutôt parce qu'elles montrent tous les signes extérieurs d'une faiblesse physique ou psychologique, voire les deux à la fois, ce qui n'empêche pas certains d'aimer les gens qui souffrent de surcharge pondérale - nous savons tous qu'à une époque, les rondeurs prononcées étaient même un critère de beauté, puisque l'on associait opulence et corpulence. Cependant, dans un pays comme les Etats-Unis, où plus de cinquante pour cent des gens sont atteints d'obésité - car c'est bien d'une maladie qu'il s'agit -, il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on réalise des films de propagande dont le but est clairement de pousser même les personnes les plus malades à se reproduire - entre elles. On voit d'ailleurs, dans L'Amour extra-large, tout un défilé d'handicapés et autres monstres dignes de figurer au générique du génial Freaks (1932), et il semble pour le moins dommage que cette comédie, aussi sympathique soit-elle, n'ait pas plutôt été traitée sous forme de satire de la société américaine. On appréciera cependant son cynisme sous-jacent, puisqu'elle unit à la fin ses deux protagonistes au physique ingrat, prenant de la sorte bien soin de ne pas mélanger les torchons et les serviettes...

En conclusion, L'Amour extra-large est loin, justement, d'être extra, et si le film nous offre, grâce à de bons interprètes, un agréable moment de détente pour spectateurs à l'encéphalogramme résolument plat, il n'en demeure pas moins confus et totalement inepte, accumulant clichés et lourdeurs, et prouvant de la sorte que la recette du navet au thon n'est finalement peut-être pas si fameuse que cela.

Note : 4/10.

N.B. : Et puis, Gwyneth Paltrow, même obèse, conserve un charme certain !


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