Année : 1992
Titre original : Sidekicks
Réalisateur : Aaron Norris
Asthmatique, frêle et mal dans sa peau, Barry Gabrewski (feu Jonathan Brandis) se réfugie depuis toujours
dans un univers imaginaire au sein duquel tout lui semble
plus facile.
Plus facile en tout cas qu'au collège, où ses camarades de classe
le martyrisent à longueur de temps, tandis que son professeur d'éducation physique le méprise
en permanence et que la jeune fille dont il s'est
épris lui témoigne une condescendance dont il se passerait fort bien.
Dans ses rêves, au contraire, Barry n'est plus "Barriquiqui" l'adolescent martyr,
mais Barry le champion de karaté, Barry l'invincible, Barry
l'équipier de choc d'un certain Chuck. Chuck Norris.
Son héros. Qu'il soit en cours ou sur le chemin de l'école, Barry voit Chuck partout, car
Chuck est partout. Chuck a, comme Dieu, le don d'ubiquité. Si bien qu'on le retrouve sur
tous les fronts, combattant tour à tour des nuées de ninjas mal intentionnés, des pelotons de
soldats suréquipés ainsi
que des hordes de brigands, ne manquant jamais de sauver la belle au passage
- une jeune enseignante d'origine asiatique
qu'apprécie particulièrement notre jeune souffre-douleur dans le monde réel. Une affection que Noreen Chan lui rend bien,
qui décide de lui faire rencontrer son oncle, M. Lee (car au cinéma, c'est bien connu,
tous les experts en arts martiaux s'appellent Lee, qu'ils le veuillent ou non), un vieillard aux
moeurs bien étranges, mais à la sagesse certaine, qui va s'occuper de remettre en forme cet
adolescent souffreteux pour le simple plaisir d'accomplir une bonne action. Et de lui lancer des
boulettes de riz dans la figure. Et de le voir se briser le poignet sur des briques en mousse.
Et de rire de sa maladresse au nunchaku. Fort heureusement, Barry finit
par se montrer à la hauteur, vaincre son handicap et mettre à terre Randy, son principal tortionnaire.
Randy, vexé, lui propose alors de l'affronter au championnat de karaté local. Une proposition que Barry
ne saurait refuser. Ce sera l'occasion pour lui de dévoiler au monde ses nouveaux talents et de faire équipe avec
Chuck pour la dernière fois. Mais en vrai. Car, oui, Chuck Norris participe également. C'est un miracle.
Un miracle !
Et tel le Messie, Chuck multipliera les pains, apportant à ses nouveaux amis la victoire tant espérée.
Et c'est ainsi que Barry cesse de rêver sa vie pour enfin vivre son rêve.
Il est un film en ce monde qui dans votre enfance vous fit forte impression, un film qui vous marqua par son humour,
son sens du grotesque et sa mise en scène improbable, un film dont l'un des acteurs principaux a su par son charisme et son jeu particulier
vous donner et redonner
le sourire pour les années à venir. Cet acteur, vous n'avez pu l'oublier, car il s'agit de Chuck Norris, l'homme, la bête, que dis-je, le
dieu qu'affronta Bruce Lee dans La Fureur du dragon, en 1972.
Vous ne vous souvenez cependant plus
du titre de ce film, et les images ont peu à peu sombré dans les affres de l'oubli, tant et si bien que vous ne songez plus même à le revoir
un jour. Traînant vos guêtres dans les rayons mal agencés d'un Troc de l'île fort bien achalandé, vous ne vous attendiez donc pas à découvrir,
à votre grande surprise, l'un des rares exemplaires du DVD de... Sidekicks ! Le voilà, perdu dans l'anonymat
d'une masse de nanars aux titres inconcevables ! Les images vous reviennent soudain !
Sur la jaquette, Chuck et Barry donnent un yoko geri dans le vide, ou bien au
spectateur, côte à côte, sur fond de rouge et de rage. Des photos de Chuck le ninja, de Chuck le guerrier, de Chuck le cow-boy - pas de doute,
c'est bien l'oeuvre que vous n'espériez plus revoir ! Et c'est bien le film que vous achèterez aujourd'hui - pour deux euros - sans la moindre
hésitation.
Deux héros pour deux euros. Qui dit mieux ?
De retour chez vous, sans perdre de temps, vous vous hâtez d'enfiler l'auréole iridescente entre les mâchoires mécaniques de votre lecteur DVD, puis
vous enfoncez dans votre lit, bien au chaud, cependant que se charge le menu principal. A l'aide de votre fidèle télécommande, vous placez le curseur sur
LECTURE DU FILM, appuyez sur OK, puis savourez les derniers instants qui vous séparent de cette mémorable réalisation. Les premières images
apparaissent : deux ninjas blancs passent à tabac d'autres ninjas vêtus de noir. Les coups fusent, pleuvent, se déversent en torrents sur des ennemis
tout aussi nombreux que maladroits. Une jeune femme au physique attrayant se débat, tentant de s'échapper malgré les liens qui la retiennent
prisonnière. Heureusement, les deux ninjas blancs finissent par venir à bout de l'armée de ninjas qui les assaillaient, libèrent la demoiselle en
détresse et révèlent alors leurs véritables visages : il s'agit d'un jeune blondinet d'une quinzaine d'années
et de Chuck lui-même, en chair et en Norris. Le héros. Le sourire aux lèvres, vous sentez que vous allez passer un bon moment.
Si vis pacem, para Norris.
Très vite, les scènes cultes s'enchaînent : le film a des allures de téléfilm du dimanche, et pourtant, quel feu d'artifice ! C'est un déluge, une véritable
débauche de morceaux de bravoure faussement épiques, dans lesquels Chuck apparaît sous son meilleur jour, jamais avare de l'une de ces petites mimiques
qui le rendent tout à la fois terriblement ringard et puissamment charismatique. Décidément, l'autodérision lui sied à merveille.
Chuck surjoue son propre rôle, mais il n'est pas le seul acteur à
surjouer : tous, à l'exception peut-être de Barry et de sa petite amie, se donnent volontiers des airs de toons déjantés, la traduction française
accentuant considérablement leur apparence grotesque par des voix de dessin animé du plus bel effet.
Mention spéciale au grand méchant de l'histoire, Kelly Stone, que vous n'oublierez pas -
ou plus - de sitôt.
Kelly Stoooooooooooooone !
Très vite, vous prenez conscience qu'il ne s'agit pas là d'un nanar comme les autres. Pris d'un doute, vous vous demandez même par moments s'il s'agit
là véritablement d'un nanar. Le scénario, bancal mais efficace, vous rappelle étrangement l'un des grands films de votre enfance,
Last Action Hero, dans lequel un petit garçon, Danny, se retrouvait plongé dans l'univers de son héros, j'ai nommé Arnold Schwarzenegger.
Peut-être s'agit-il
donc d'une sorte de plagiat, d'ersatz ou, dans le meilleur des cas, de parodie de Last Action Hero. Cependant, vous vous rappelez que ce dernier
sortit dans les salles en 1993, soit exactement un an après Sidekicks. Voilà qui vous semble bien étrange.
Aucune autre comparaison possible, cependant, puisque le film de John McTiernan tient plus du chef-d'oeuvre que du nanar, tandis que celui d'Aaron Norris
tient plus du nanar que du chef-d'oeuvre. Et pourtant. Malgré la faiblesse relative de son scénario, malgré sa musique, ses plans et son montage
quelconques, Sidekicks vous tient en haleine du début à la fin. C'est là peut-être l'incroyable
pouvoir de Chuck, dont la présence illumine littéralement le film - on s'attend d'ailleurs presque à le voir apparaître couronné d'un anneau
de lumière, étoile parmi les stars du cinéma d'action de seconde zone. Ou peut-être est-ce l'humour particulier dont chaque scène regorge. A titre d'exemple, au
cours des toutes dernières minutes, lorsque Barry quitte les lieux du tournoi d'arts martiaux, il oublie sur un banc l'un de ses magazines consacrés
à Chuck Norris. Ce magazine, c'est un handicapé sur chaise roulante qui le trouve, ses yeux s'illuminant par la même occasion comme s'il
avait retrouvé - l'espoir. Or, il sera très difficile pour lui de devenir champion de karaté. Le message est passé, mais on ne peut s'empêcher
de rire, car, c'est bien connu, l'espoir fait rire.
Barry le Kid et Chuck Nourrice.
Fin. C'est déjà le générique, et vous en redemandez. Tandis que vous entamez l'écriture d'une critique de Sidekicks
pour votre site Internet, une critique que vous ne pouvez pas ne pas rédiger, vous songez
que c'est là probablement l'un des "meilleurs" films de Chuck Norris, et certainement l'un des meilleurs nanars que vous ayez vu de votre
vie. Vous décidez donc d'y faire l'éloge de Chuck et d'attribuer à ce nanar de très grande classe une note symboliquement élevée.
Note : 8/10
P.S. : vous tenez à préciser, pour finir, que l'on a plaisir à retrouver dans ce film un certain nombre d'acteurs très présents sur le petit
comme sur le grand écran, mais qui la plupart du temps n'interprètent que des rôles de moindre importance - (Gerrit Graham (Dr Pankow, dans
Parker Lewis), Danica McKellar (Winnie, dans Les Années coup de coeur), Mako (le magicien, dans Conan le barbare (1982)),
ou bien encore Beau Bridges (le père, dans
The Wizard (1989), film qui n'était autre qu'une publicité géante pour Nintendo, dans lequel un enfant plus ou moins autiste trouvait sa voie
dans le jeu vidéo, devenant à la fin champion du monde de Super Mario Bros 3...).
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