Année : 1985
Titre original : The Black Cauldron
Réalisateur : Ted Berman et Richard Rich
Autre monde, autre temps, autre lieu. Taram, un jeune éleveur de cochons, découvre, grâce aux dons de voyance de Tirelire, sa mignonne petite
truie, que le Seigneur des Ténèbres a entrepris depuis peu de retrouver un chaudron magique légendaire afin de lever une armée de morts-vivants et
de devenir par ce moyen le maître du monde. Las, il se trouve que la clairvoyance de Tirelire a un prix : aussitôt repérés par le sinistre
Seigneur aux sombres desseins, Taram et sa truie se voient contraints de quitter leur paisible contrée pour partir en quête du chaudron magique
et le détruire au péril de leur vie. Ils feront en chemin la rencontre de Gurgi, petit animal poilu fort sympathique, de Ritournel, un ménestrel
raté fait prisonnier par les forces du mal, et
de la belle Eilonwy, pour qui Taram aura bien évidemment le coup de foudre. Fort heureusement, tout est bien qui finira bien : Taram, armé d'une épée
dotée de pouvoirs surnaturels, vaincra son terrible ennemi, sauvera son nouvel ami, puis embrassera sa charmante princesse, avec qui il vivra certainement
très heureux et aura, moins certainement, beaucoup d'enfants.
En 1985, les studios Disney décident de s'attaquer au genre dit de l'heroic fantasy, qui connaissait alors un fort succès pictural,
cinématographique et littéraire, en adaptant le troisième tome des
Chroniques de Prydain (parues de 1964 à 1970), de Lloyd Chudley Alexander. Ils choisissent pour ce faire de rester fidèles
à leurs précédentes productions - on retrouvera donc
un style graphique élégant proche de Merlin l'enchanteur (1963), des références à d'autres films d'animation
tels que Peter Pan (1953), des animaux amicaux et des expressions faciales exagérées - tout en innovant sur bien des points :
ainsi, Taram et le chaudron magique sera l'un des rares films de Disney totalement dépourvus
de scènes chantées (ce qui n'est pas un mal, loin de là !), mais également l'un des plus sombres, les réalisateurs ayant poussé le vice
jusqu'à introduire un grand nombre de plans
typiques de l'expressionnisme allemand, dans lesquels certains effets d'ombre pour le moins impressionnants, voire effrayants,
ne sont pas sans rappeler le Nosferatu (1922) de Murnau, ceci sans compter la violence relative de quelques passages, où l'on pourra voir, entre
autres, Taram saigner quelques fractions de seconde après s'être pris un coup dans la figure. Ce sont là probablement les raisons pour
lesquelles Taram et le chaudron magique fut un immense échec commercial, en dépit des vingt-cinq millions de dollars et
des douze années que nécessita
son développement. Pour ce qui est de l'intrigue, en revanche, le film se contente de recycler des thèmes éculés, de reprendre ici et là des éléments
d'heroic fantasy qui constituent les plus gros clichés du genre et de nous faire ainsi voyager sans surprise du Conan de Robert E. Howard au
Seigneur des anneaux de Tolkien, en passant par les oeuvres dans lesquelles ces auteurs puisaient leur
inspiration, la légende du roi Arthur n'étant pas des moindres, et les contes de fées de notre enfance. Enfin, les personnages, caricaturaux au possible, demeurent cependant très
attachants - voire attachiants, pour ce qui est du ménestrel raté -, si bien que l'on n'éprouve aucun mal, même adulte, à suivre le film
de bout en bout pour en découvrir le dénouement, plus que prévisible. On s'amusera également du fonctionnement en miroir de certains d'entre
eux, comme Gurgi, qui trouve son équivalent maléfique en la personne d'un gobelin nain sobrement prénommé Crapaud,
grand serviteur du Seigneur des Ténèbres.
En conclusion, Taram et le chaudron magique, sans être un chef-d'oeuvre et sans être non plus d'une folle
originalité, n'en constitue pas moins un spectacle agréable à l'oeil, que l'on aura plaisir à regarder
un soir d'hiver au coin du radiateur et
qui disparaîtra presque aussitôt, comme par magie ("Tadam !", serait-on tenté d'écrire ici), de notre mémoire. Fort heureusement, son esthétique travaillée, son atmosphère onirique, que l'on pourrait d'ailleurs
aisément qualifier de
cauchemardesque, et son aspect plus adulte (l'absence de scènes chantées permettant au film de ne pas tomber dans le piège du
disniais caractéristique des studios),
l'empêcheront de sombrer définitivement dans les ténèbres de l'oubli.
Note : 6/10
Werna 2009-2023