Année de publication : 1997
Titre original : The Huge Book of Hell
Créateur : Matt Groening
Les aventures et mésaventures de Binky, le lapin, de Sheba, sa petite amie, de Bongo, leur fils illégitime,
d'Akbar et de Jeff, deux êtres humains homosexuels ou frères,
voire les deux, et de quelques autres personnages, dont Matt Groening lui-même, réunies sous forme de strips, de publicités
parodiques et de fausses couvertures de magazines divers et variés (entre autres),
pour le plus grand plaisir des cyniques, des misanthropes, des artistes
ratés ou réussis,
des pauvres hères désabusés ou fatigués de vivre, des lecteurs pris dans les filets d'une crise existentielle inextricable ou bien encore,
plus simplement, de tous ceux qui souhaitent découvrir une bande dessinée originale, sympathique et tout aussi percutente que pertinente,
pour réveiller leur sens critique et chatouiller leurs zygomatiques avant d'aller dormir, de partir au travail ou, plus probablement,
pendant les pauses, au bureau caché derrière
son ordinateur ou réfugié dans l'espace exigu mais protecteur des toilettes du premier étage.
Au programme : satire sociale, autoflagellation, métafiction, réflexions philosophiques sous forme
de phylactères obsessionnels, relations amoureuses tournant au vinaigre, calembours et conseils en tout genre - surtout s'ils sont mauvais ou
déprimants (tout en étant désopilants, cela va de soi)...
Bien avant Les Simpson, Matt Groening, qui désirait à l'époque - c'est-à-dire à la fin des années soixante-dix - devenir écrivain, se lançait
dans l'auto-publication d'une série de strips intitulée Life in Hell, qu'il distribuait alors gratuitement à ses amis sous le titre
de Life in Los Angeles et vendait pour la modique somme de deux dollars le numéro
dans une boutique "underground" de Sunset Boulevard avec un succès certain, tout en continuant de se consacrer à la rédaction
de critiques musicales et de cumuler les emplois sous-payés afin de subvenir à ses besoins. Fort heureuseuement pour lui - comme pour nous, d'ailleurs -,
ce sont justement ces petites
bandes dessinées humoristiques basées sur son expérience à Los Angeles - où il venait de s'installer -
qui permirent à cet Américano-norvégien de sortir définitivement de l'anonymat. La première compilation de ses strips au format livre en 1986,
sous le titre éloquent de Love is Hell, fut un succès, et de nombreuses autres suivirent, dont
The Huge Book of Hell, en 1997, qui fait ici l'objet de notre courte critique.
The Huge Book of Hell est l'une des compilations
les plus épaisses à ce jour, et donc l'une des plus
fournies en termes de contenu.
Divisée de manière thématique en plusieurs parties distinctes, cette dernière met en scène les personnages les plus populaires
du créateur - dont quelques apparitions de membres de la famille Simpson -, les fait se poser des questions sur
la politique, l'espoir, la déception, la frustration, la volonté ambiguë de s'intégrer dans une société consumériste où tout le monde
s'entre-dévore à la manière des zombies de Romero - c'est-à-dire de trouver tant bien que
mal sa place en enfer -, la culpabilité, le jugement, la vie d'adulte et le monde du travail, la vie, l'amour et la mort,
tout en s'ingéniant à mettre en abîme sa création par le truchement de sa propre représentation
graphique, une présence quasi divine confrontée de temps à autre à ses créatures au trait simpliste, dans un monde où le texte prime
de manière flagrante
sur un dessin pauvre en détail, mais riche en expressivité, pour l'exécution duquel Matt Groening s'amuse à donner des leçons au cours de
strips hilarants.
En conclusion, si tout n'est pas du même niveau dans The Huge Book of Hell - certaines pages
ne parviendront pas même à vous soutirer l'ombre d'un sourire -, on prendra cependant un plaisir indéniable à parcourir cette compilation
dans son ensemble, Matt Groening parvenant, en dépit du nombre impressionnant de strips - parfois dessinés à des années d'écart -, à maintenir
une réelle continuité graphique, stylistique et, surtout, thématique, dont se dégage une atmosphère bon enfant dans un monde
où l'on parle, comme le faisait et le
disait en son temps un certain Oscar Wilde, avec sérieux des choses
légères, et avec légèreté
des choses sérieuses. A lire absolument, donc, surtout si vous n'êtes pas allergique à la langue anglaise
et que vous trouvez, par chance, cette oeuvre pour la modique somme de 99 pence (soit un peu plus d'un euro)
à l'occasion d'un voyage en Angleterre, comme ce fut le cas pour l'auteur
de ces lignes.
Note : 8/10
Werna 2009-2023