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La Belle et la Bête


La Belle et la Bête Année : 1991

Titre original : Beauty and the Beast

Réalisateur : Gary Trousdale et Kirk Wise

Maurice, un inventeur un tantinet loufoque, et sa fille, Belle, courtisée par l'inepte Gaston, dragueur, chasseur et buveur invétéré, vivent ensemble, heureux, dans un paisible petit village de France. Jusqu'au jour où, parti présenter l'une de ses toutes dernières créations, Maurice se perd dans les bois, véritable labyrinthe aux abords du village. Poursuivi par une meute de loups qui, visiblement, ont les crocs, ce dernier n'a d'autre choix que de se réfugier dans un immense et ténébreux château, demeure fantastique et terrifiante de la terrifiante et fantastique Bête. Après avoir été chaleureusement accueilli par une bougie servile et sa fidèle acolyte, une horloge un brin toquée, ce bon père est aussitôt fait prisonnier par la Bête. Inquiétée par son absence, Belle, très vite, part à sa recherche et propose, après avoir enfin rencontré la Bête, d'échanger sa propre liberté contre celle de son bien-aimé père. Le propriétaire des lieux, qu'une ancienne malédiction condamne à trouver l'amour avant que ne se fane une rose magique, accepte sans hésiter, dans le secret espoir de retrouver un jour son apparence normale. Celle d'un prince. Pour la conquérir, ce monstre devra cependant vaincre la bête en lui-même et faire, tant bien que mal, preuve d'humanité. S'ensuit donc une série de péripéties et de rebondissements plus ou moins convenus, au cours desquels ces deux âmes que semble avoir depuis toujours unies le destin verront naître en elles le seul sentiment capable de libérer la Belle de l'emprise de la Bête, et la Bête de l'emprise de la belle qui jadis le maudit. Au bout du conte, nos deux amoureux franchiront sans réelle difficulté tous les obstacles qui sur leur chemin se dresseront et pourront ainsi vivre enfin pleinement le bonheur auquel ils aspiraient. Tout est bien qui finit bien.

En 1991, les studios Disney réalisent le rêve de feu leur créateur : adapter au cinéma le conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, sobrement intitulé La Belle et la Bête (1757). Ils choisissent pour ce faire de le remanier afin, probablement, d'en simplifier l'intrigue : Belle n'aura donc ni soeurs, ni frères, n'aura jamais non plus connu la richesse avant sa rencontre avec la Bête et ne sera pas malgré elle la cause du sort premier de son père en lui demandant de lui cueillir une rose, qui devient ici le symbole d'une pesante malédiction, quand le texte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en faisait une monnaie d'échange d'une valeur équivalente à celle de la Belle. Cette simplification diégétique permet aux scénaristes d'établir un parallèle habile entre ce qu'était la Bête avant sa métamorphose - un jeune prince orgueilleux et narcissique - et Gaston, lui aussi fasciné par sa propre image et le reflet de son visage dans les yeux de la Belle, tant et si bien que l'esthétique du film finit par reposer en grande partie sur un jeu de miroirs propre à des réflexions plus que classiques sur la question des apparences et des faux-semblants.

Devenu le double de la Bête, son reflet négatif en quelque sorte, Gaston doit impérativement trouver la mort sous les coups de griffes de la Bête pour qu'enfin cette dernière puisse rompre le charme et retrouver son unité. Une âme saine dans un corps sain. Cette mise à l'épreuve vaut également pour la Belle, qui devra par son coeur percer le voile des apparences afin de trouver l'amour. Son reflet dans un miroir brisé, plus tôt dans le film, est à cet égard éloquent : tout comme la Bête, il lui faudra retrouver son intégrité, son unité. Une âme saine dans un corset. Gaston mort, l'amour naît tout naturellement après la baston. Les unit tous deux dans l'idéale éternité du beau, du vrai, du bien. C'est également un miroir, qui lui permettra d'entrevoir - voire de percevoir - la souffrance de son père, brusquement esseulé, de lui venir en aide et de prouver aux villageois, montés contre lui par Gaston, qu'il n'est pas fou. Le miroir, qui n'est pas brisé, lui, leur montre le visage monstrueux de la Bête et confirme de la sorte les dires de son père. Las, leur bêtise crasse les incite à n'y voir qu'horreur et damnation. La Belle se porte alors au secours de la Bête et lui donne ainsi le pouvoir de redevenir le prince qu'il était autrefois, son coeur et son corps s'étant depuis anoblis dans tous les sens du terme.

Une belle et bonne histoire, aussi riche de sens soit-elle, ne suffit cependant pas à faire d'un film un bon film. Et c'est, hélas, là que le bât blesse dans La Belle et la Bête. Dès le début, des choix discutables dans le montage donnent à l'introduction le rythme effréné d'une comédie à l'italienne et les dialogues sont pour la plupart dénués d'intérêt véritable. Mais il y a pire. Les chansons. Mièvres au possible, elles s'enchaînent mécaniquement, sans même éveiller chez le spectateur le moindre enchantement, comme savaient jadis le faire les productions Disney. Les compositions sont à ce point affligeantes que l'on se prend à se demander, à la fin, comment ce film a pu obtenir l'Oscar de la meilleure chanson originale et celui de la meilleure composition. La musique et le rythme général du film ne sont, néanmoins, pas les seuls éléments à faire défaut dans La Belle et la Bête. En effet, la qualité de l'animation laisse bien souvent à désirer, caractéristique majeure des dessins animés produits par Disney au cours des deux dernières décennies, comme en témoigne la célèbre scène du bal en images de synthèse : cette dernière, assez belle pour l'époque en dépit des limites techniques d'alors, vient rompre la cohérence esthétique de l'ensemble et déséquilibre ainsi l'oeuvre de manière irrémédiable. Le château de la Bête lui-même, bien trop coloré, n'impressionne aucunement, si bien que l'atmosphère générale du film en pâtit. La comparaison de ce dernier avec l'oeuvre de Cocteau, dont Disney reprend à raison l'idée des objets vivants et mouvants, et qui fut réalisée d'une main de maître en 1946, s'impose alors : ici, point de poésie, point de jeu d'acteur inoubliable (seule la voix de la Bête se démarque un tant soit peu), point d'onirisme, point de dialogues fabuleusement bien écrits et pensés, point, en un mot, de génie. Seule la fin, sombre et violente, empêche ce film au final un peu bateau de sombrer définitivement dans les affres de l'oubli.

Faute d'une exécution digne de ce nom, la réalisation de La Belle et la Bête ne laissera par conséquent pas un souvenir impérissable à ceux des cinéphiles qui auront eu le courage de le regarder jusqu'au bout, pas plus qu'elle ne permettra de comprendre la raison pour laquelle le film de Gary Trousdale et Kirk Wise figure parmi les cinquante oeuvres cinématographiques à voir absolument avant l'âge de quatorze ans qu'a sélectionnées le British Film Institute dans sa liste, aux côtés du chef-d'oeuvre de Jean Cocteau, de Playtime (1967, de Jacques Tati) et de l'excellent Voyage de Chihiro (2001, de Hayao Miyazaki). Pour conclure, on peut donc dire qu'il s'agit là d'une oeuvre plus bête que belle, à l'image de ce calembour un peu facile.

Note : 6/10


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