The Geen Inferno
Année : 2013
Titre original : The Geen Inferno
Réalisateur : Eli Roth
Résumé du film
Justine, étudiante à l'université de Columbia, New York, tombe sous le charme d'Alejandro, chef d'un petit groupe de militants écologistes
qui s'est fixé pour objectif d'aller au Pérou sauver la forêt amazonienne et les Ayès, une tribu d'indigènes dont l'existence est menacée par une entreprise
illégale de déforestation massive. Malgré son désaccord partiel avec les jeunes militants, l'inquiétude de son père
(avocat aux Nations Unies) et les conseils de son amie, Justine se laisse convaincre
par Jonah, l'un des membres du groupuscule (dont la sympathie n'a d'égale que l'affection qu'il semble éprouver à son égard...) et rejoint l'expédition.
Dans un premier temps, tout se passe bien. Enfin presque. Arrivés sur place après un vol sans encombre,
les étudiants, déguisés en ouvriers, s'attachent à des arbres et filment les ouvriers avec leur téléphone portable
lorsque ces derniers menacent d'un pistolet sur la
tempe leur nouvelle recrue - qui comprend dès lors qu'Alejandro et ses amis étaient prêts à la sacrifier depuis le début.
Les ouvriers, surpris, intimidés puis contactés par un supérieur énigmatique, baissent finalement les yeux et les armes et les laissent
repartir vainqueurs à bord d'un jet privé... qui s'écrase un peu plus
loin dans la forêt, suite à un problème technique. Au beau milieu de l'enfer vert. C'est là que les ennuis commencent véritablement :
après avoir repris leurs esprits, les survivants sont faits prisonniers
par les Ayès, la tribu qu'ils étaient venus sauver. Malheureusement pour eux, leurs petits protégés sont en réalité des
cannibales qui, à la vue de leur déguisement, les
ont pris pour des ennemis. Leur sort, dès lors, est scellé. Jonah sera le premier à en faire les frais, au cours d'un festin fort festif où leurs hôtes hostiles aux
moeurs peu catholiques
feront bombance de son ventre bombé de bibendum barbu,
tandis que les autres, comprenant ce qui les attend, tenteront par tous les moyens d'échapper à leur épouvantable destin.
Excepté Alejandro. Lui, stoïque, décide d'attendre l'arrivée d'une nouvelle équipe
de déforestation, armée de bêtise, de bulldozers et de mitraillettes elle aussi. Son but n'était en effet pas - et n'avait jamais été -
de sauver la tribu mais, au contraire, de permettre à une autre entreprise, celle d'un ami,
de récupérer le contrat tout en se faisant pour lui-même un nom respectable et respecté dans le milieu du militantisme écologiste.
Que ne ferait-on pas pour faire carrière ? Résultat, tout le monde meurt. Enfin presque. Justine, dont la virginité lui confére un statut spécial aux yeux de la tribu,
parvient à s'enfuir, seule, grâce à l'aide d'un petit garçon qu'elle a séduit en lui jouant littéralement du pipeau,
laissant derrière elle Alejandro, le scélérat, qui s'était pourtant bien arrangé pour être le dernier survivant, quitte à sacrifier ses camarades...
Sauvée par les ouvriers, qui déciment au passage et sans trop d'efforts une partie de la tribu, Justine, une fois de retour aux Etats-Unis,
entreprend de ne rien dire de négatif au sujet des Ayès et, surtout, rien d'Alejandro. La vengeance est un plat qui se mange froid.
En guise d'introduction
On l'aura compris,
Eli Roth ne porte pas les écologistes et, plus généralement, les milieux gauchistes estudiantins, dans son coeur.
The Green Inferno, que l'on peut sans mal qualifier
de film de cannibales à l'italienne,
est ainsi l'occasion pour lui de s'amuser à leurs dépens tout en rendant hommage au grand classique du genre, j'ai nommé
l'excellent
Cannibal Holocaust, réalisé en 1980 par Ruggero
Deodato et dont le propos, les images abominables et la musique envoûtante continuent à ce jour de hanter
les cinéphiles avertis. Nous verrons, au cours des lignes qui suivent, que le réalisateur de
Hostel,
non content de transformer son modèle, à l'origine filmé sous
forme de documentaire naturaliste, en une parodie de film d'horreur où l'humour et la mort se mêlent au point de rendre la tonalité de l'ensemble
parfois difficile à saisir, parvient également à faire de cette oeuvre une oeuvre
personnelle traversée par des thématiques familières
et sous-tendue par une vision du monde aux antipodes du manichéisme américain traditionnel. Si le film a pu décevoir à
sa sortie, nous découvrirons par conséquent que, bien qu'il ne s'agisse effectivement pas d'un chef-d'oeuvre (loin s'en faut),
c'est avant tout pour de mauvaises raisons.
Hommage collatéral
Tout d'abord, revenons sur cette question de l'hommage rendu au film de Ruggero Deodato,
Cannibal Holocaust. A l'instar de ce dernier, Roth place en effet
son intrigue au fin fond de la forêt amazonienne, où les protagonistes font la rencontre d'une petite tribu de cannibales. Il n'entend cependant pas, lui non plus,
faire de ces indigènes indigents les méchants de l'histoire et reprend également à son compte une certaine vision de l'humanité (bien que son message soit légèrement différent, comme
nous le verrons plus tard). A lire ce qui précède, d'aucun serait probablement tenté de considérer l'oeuvre de Roth avant tout comme
un remake et non comme un hommage - ou bien encore d'y voir un plagiat pur et simple.
Il convient ainsi de se demander dans quelle mesure le réalisateur se démarque de son modèle. Tout d'abord, si Roth conserve l'ultra-réalisme du gore et des décors
de
Cannibal Holocaust, il en altère néanmoins quelque peu l'usage - ce dont témoigne le titre même de son film. La forêt n'est plus le lieu de vie d'une tribu
primitive relativement paisible (bien que non pacifique) aux moeurs peu orthodoxes qu'une bande de journalistes peu scrupuleux entreprennent de sacrifier
(d'où la référence à l'holocauste, qui n'est autre, étymologiquement, qu'un sacrifice) afin d'obtenir un documentaire à sensations,
mais celui d'un cauchemar insoutenable tant pour ses personnages que pour ses spectateurs. C'est la
raison pour laquelle la musique ironique - iconique - aux accents parfois mélancoliques composée pour le film de Deodato par Riz Ortolani cède la place
à des sonorités plus conventionnelles, typiques du cinéma d'horreur : il n'est ainsi plus
question de créer un décalage tragique entre images et bande originale mais, au contraire, de créer une atmosphère oppressante, asphyxiante, angoissante,
où le seul sentiment suscité
par la tension croissante est celui d'une terreur tétanisante dont le point culminant se trouve être la scène d'arrivée des protagonistes,
faits prisonniers, dans le village Ayès. On est alors, comme le pauvre Jonah, pris aux tripes, et ce n'est pas sans raison si cette scène est la plus réussie du film,
tant sur le plan visuel qu'émotionnel. On change ainsi radicalement de registre et de tonalité. Ceci sans compter le format même du film :
quand
Cannibal Holocaust était coupé en deux parties - la première, filmée presque comme une comédie, prenait pour objet la recherche des bobines de
l'équipe de journalistes disparus, et la seconde, d'un réalisme atroce, était consitituée desdites bobines -,
The Green Inferno, lui,
se présente presque comme un film d'aventures et d'action gore où le grand-guignol le dispute allègrement aux
gags potaches de type pipi-caca - ou plutôt pipi-diarrhée. Tous deux, cependant, nous proposent une vision peu réjouissante de l'homme.
L'homme est un loup pour l'homme
Dans le film d'
Eli Roth, il n'y a pas d'un côté les gentils, et de l'autre les méchants. Ce qu'il nous montre, c'est une bande
d'étudiants gauchistes issus de la bourgeoisie, des donneurs de leçon bercés et bernés par un amour idéaliste de l'autre, lui-même idéalisé, des écervelés
endoctrinés jusqu'à la moëlle et prêts à sacrifier leur vie pour défendre celle de gens dont ils ne savent rien, rendus
manipulables à souhait par une invraisemblable naïveté qui confine à l'imbécilité pure et dure et formatés par
la propagande idéologique d'artistes, de médias et de politiciens multiculturalistes
qui, eux, défendent au contraire les intérêts financiers de grands groupes par pur égoïsme (attitude représentée à l'écran par Alejandro, le leader
écologiste), sans se soucier une seule seconde des conséquences
pour les autres. Ce qu'il nous montre, c'est également des cannibales dont le cannibalisme sert en réalité de châtiment contre leurs ennemis, des ouvriers-mercenaires
qui ne se posent pas trop de questions et une jeune fille, Justine, tourmentée jusqu'au bout par la difficulté qu'elle semble éprouver à faire la part du bien et
du mal dans cette affaire. Comme son nom l'indique, cependant, c'est elle, la juste, et c'est justement pour cette raison qu'elle finira par survivre - et trancher, avec justesse.
Les vrais monstres, au fond, ce ne sont pas les
cannibales, mais ces humains capables de sacrifier leurs prochains s'il est dans leur intérêt de le faire. Capables, autrement dit, de dévorer métaphoriquement
leurs semblables
sans état d'âme. Justine rencontre d'ailleurs son double en la personne de son sauveur, l'enfant qui ne supporte manifestement pas l'idée de voir cette femme si gentille,
vierge physiquement et moralement, servir de repas aux siens. Les membres de sa tribu ne lui en tiendront pas rigueur : ayant vu Justine passer devant une panthère sans
se faire dévorer, ils ont eu la preuve de son innocence et de sa pureté. Son jugement sera celui d'une juste : condamner Alejandro à mort en laissant croire qu'il l'est
déjà, tout en défendant la cause des Ayès auprès de sa propre tribu, les Américains.
Un film eminemment "rothien"
Cette morale un tantinet pessimiste (après tout, le film se termine plutôt bien pour l'héroïne, mais tout le monde est mort) était également celle, on s'en souvient,
des précédentes créations d'
Eli Roth. Dans
Hostel et
Hostel 2, des hommes et des femmes fortunés
se payaient le luxe de pouvoir exécuter et torturer des inconnus kidnappés dans un pays d'Europe de l'est, tandis que dans
Cabin Fever, des étudiants
(oui, encore des étudiants, film d'horreur oblige !) finissaient par s'entre-déchirer en apprenant que certains d'entre eux étaient mortellement atteints d'une étrange maladie
transmise par l'eau du robinet.
The Green Inferno est donc un film qui porte la patte de son créateur, comme en témoignent
par ailleurs les brusques changements de tonalité mentionnés plus haut : après l'infâme festin dont les intestins de Jonah font les frais, l'ambiance horrifique laisse soudain
la place à une vision naturaliste d'hommes, de femmes et d'enfants qui partagent les restes de Jonah dans la joie et la bonne humeur, tandis qu'une des étudiantes
est prise tout d'un coup d'une puissante colique aux effets euphorisants. L'absence de musique extra-diégétique accentue l'aspect trivial de ce moment tribal,
la pesanteur laissant ainsi la place à la légèreté, comme c'était déjà le cas à la fin de
Hostel 2, notamment, où des enfants jouaient au football avec la tête tranchée d'une meurtrière. Ce que l'on retrouve aussi, c'est
une satire acerbe de la bien-pensance et de l'hypocrisie gauchiste du milieu universitaire : les personnages de Roth sont tous des étudiants soucieux de montrer
à leurs congénères qu'ils sont bien intégrés et qu'ils ont surtout bien intégré les principes moraux de leur temps. Dans
Cabin Fever, ceux qui se révéleront plus
tard d'un individualisme forcené font mine d'être choqués par les propos en apparence xénophobes d'un vieux commerçant, qui appelle les noirs "niggers". A la fin du film, ce dernier accueille bras ouverts
ses amis noirs en les appelant affectueusement "niggers". Dans
The Green Inferno, l'amie de Justine critique cette manière de penser, ou plutôt de
ne pas penser, en disant que ces étudiants ne sont au fond rien d'autre qu'une bande d'intellos juifs friqués
qui culpabilisent d'avoir trop d'argent et se rachètent une conscience par la défense plus ou moins virulente des moins fortunés. Lorsque Justine pointe du doigt son antisémitisme, cette dernière
lui répond qu'elle a le droit de le dire, puisqu'elle est juive elle-même, relevant par là même une autre forme d'hypocrisie. Sa clairvoyance lui permet d'éviter les
pièges tendus par les meneurs comme Alejandro et d'échapper au voyage fatal et fatidique de Justine en enfer. Car, ne l'oublions pas,
le chemin de l'enfer vert est pavé de bonnes intentions. On pourrait d'ailleurs résumer la moralité du film en trois mots : le gauchisme tue.
En guise de conclusion
Par cet hommage satirique mâtiné d'humour,
Eli Roth parvient une fois de plus à nous proposer une série B de qualité,
dont les personnages caricaturaux, les effets spéciaux grand-guignolesques et la relative simplicité du propos, s'ils ne seront
pas du goût de tous, sauront néanmoins en séduire plus d'un - l'auteur de ces lignes avoue d'ores et déjà faire partie des heureux élus.
Mais, dans ce cas, me direz-vous, pourquoi ce film déplaît-il à certains et ne suscite-t-il pas davantage d'engouement chez les autres ? Premièrement,
parce que son modèle,
Cannibal Holocaust, lui est en tout point supérieur. Deuxièmement, parce que les changements de tonalité
que nous avons évoqués peuvent semer la confusion dans les esprits, au point que l'on puisse parfois se demander où le réalisateur veut
en venir, le mélange des genres n'aidant en rien dans l'affaire. Cependant, il n'en demeure pas moins que ce film aux allures de
teen movie vous
marquera d'une manière ou d'une autre et qu'il y a là largement de quoi se mettre sous la dent.
N'est-ce pas là le moins que l'on puisse exiger d'un film de cannibales ?
Note : 6/10