Année : 2006
Titre original : Date Movie (titre que j'utiliserai dans cette critique, de préférence à Sexy Movie)
Réalisateur : Jason Friedberg
C'est bientôt le printemps, le ciel est bleu, les oiseaux chantent et vous sentez monter en vous l'envie de - eh bien, oui,
de rester chez
vous pour regarder un film en grignotant des cochonneries. Mais pas n'importe quel film. Ce qu'il vous faut, c'est un navet,
le pire qui soit. LE navet. La quête
du gras commence alors et vous partez sans plus attendre à la recherche de la merde rare, vidant vos placards et vos
meubles de rangement, enquêtant auprès de votre entourage, de vos amis, de votre famille, écumant nuit et jour Internet,
vous prenant dans les fils inextricables de cette toile sans fin, jusqu'à ce
qu'enfin se présente à vous, sous la forme d'un court extrait diffusé sur Youtube, le chef-d'oeuvre inconnu, le navet des navets,
celui-là même dont vous rêviez depuis des années et qui, parce qu'il aura su toucher le fond comme aucun autre avant lui,
saura provoquer chez vous un fou rire incontrôlable, presque nerveux, et vous fera passer l'heure vingt-cinq
la plus inepte de toute votre vie. Ce film, c'est Date Movie.
En 2006, année durant laquelle fut également réalisé Idiocracy, qui nous annonçait dans
une scène mémorable le cinéma du futur, avec son film en un plan (et non pas en implant, comme le genre dudit film aurait pu
le laisser penser) dont l'unique objet se trouvait être un
derrière velu fort loquace, censé être aussi poilu que poilant, sortait Date Movie ,
précurseur de ce cinéma d'avant-garde
et d'arrière-train, qui se donnait comme une parodie de tous les date movies dont le cinéma américain nous accable depuis de
nombreuses années déjà et qui semblait reprendre le concept de base de la série des Scary Movie et autres parodies souvent
d'assez mauvais goût dont on nous accable également depuis de nombreuses années. Voilà donc un programme alléchant s'il en est,
servi par ailleurs par un scénario inexistant et des acteurs, Alyson Hannigan (oui, la Willow de Buffy contre les vampires)
en tête, visiblement mal à l'aise, et pas uniquement parce que physiquement malmenés - à titre indicatif, Alyson Hannigan, alias
Julia Jones, est obèse (vraiment obèse), pendant la première partie du film, puis se fait "tuner" à la manière d'une voiture
afin d'avoir une belle carrosserie, ce qui suppose une épilation intégrale (notre pauvre baleine a le dos de notre ancêtre Lucy), une
liposuccion dans les règles (non, pas les menstruations, pervers que vous êtes !) ainsi qu'une... greffe d'écran de télévision
sur l'abdomen (!). Pour ce qui est du propos de ce que l'on ne saurait que par convention nommer un film, il est simple :
date movie oblige, Julia Jones est grosse et moche et, malgré tout, désire ardemment rencontrer le Prince Charmant, qui
se présentera sous la forme d'un sympathique mais stupide blondinet répondant au doux nom de Grant.
Par une belle matinée de printemps, vous vous installez donc confortablement dans votre fauteuil et mettez le film en route,
non sans vous être au préalable délecté des commentaires pour le moins éloquents postés sur le site
IDMB par des spectateurs manifestement mécontents de leur dernière sortie au cinéma : "A Complete
Waste of Time", "Horrible Movie", "Awful Movie", "I would pay someone to kick me in the balls for paying to see this movie",
"The worst film I have EVER seen", et enfin, le plus laconique, mais également le plus représentatif, "Crap". Tout est dit.
Avec sa note généreuse
de 2.6/10 sur IMDB, ce film au titre savoureux vous met l'eau à la bouche,
et vous salivez d'impatience cependant que les
premiers logos apparaissent. C'est alors que commence l'horreur. Vous êtes dans le noir et le silence le plus total, seul
face à des images venues d'un autre monde - ou plutôt, oui, d'un autre film - et vous reconnaissez sans mal, mais non sans peine,
le reflet grotesque du farfelu Napoleon
Dynamite, dont vous louiez tantôt la relative originalité sur votre site personnel !
Voilà donc qui annonce la couleur : à l'instar de Scary Movie premier du nom, cette parodie en
parodie une autre... A moins, bien évidemment, que scénaristes comme réalisateurs (Date Movie
a officieusement été réalisé par deux personnes - il n'en fallait bien sûr pas moins pour commettre pareille injure
au septième art) n'aient pas perçu le second degré dudit Napoleon Dynamite,
ce qui, compte tenu de l'indéniable qualité du reste du film, est loin d'être improbable. A l'écran apparaissent ainsi
l'extrêmement obèse Julia Jones en robe de mariée et, face à elle, un sosie de Jon Heder - Napoleon Dynamite, pour ceux qui
ont suivi -, de dos. Lorsque ce dernier se retourne, notre amie Moby Dick hurle de toutes ses forces et le réveil sonne.
Ouf ! ce n'était qu'un cauchemar. Malheureusement, comme dans la série des Freddy, le cauchemar continue pour vous
et, après une scène d'introduction qui n'a d'amusant que le personnage de Napoleon Dynamite, c'est maintenant le générique
de début.
C'est ce moment précis que vous choisissez pour faire un arrêt sur image. Vous en avez déjà trop vu, ou pas assez. Une rapide
décision s'impose. Votre tension monte. Votre pouls s'accélère. Vous suez. Oui ou non, allez-vous subir cette horreur
jusqu'au bout ? Au fond, vous le savez bien, la réponse est oui. Vous hésitez encore un instant, puis remettez malgré vous
le film en route. Le générique, qui se propose de nous montrer Julia Jones dansant comme une sauvageonne
et draguant le premier quidam venu dans la rue, se prenant râteau sur râteau et se faisant propulser par un jet d'eau
après avoir fait de l'oeil à une bande de pompiers, n'est qu'un long calvaire, avec pour fond sonore et surtout bruyant
un hip-hop féminin au rythme et à la "mélodie" insupportables. Mais ça ne fait bien sûr que commencer, et vous
vous mordez déjà les doigts d'avoir fait le mauvais choix. Au fil des scènes qui se succèdent sans lien logique
véritable et dont l'originalité n'a d'égale que la lourdeur des gags (est-ce
vraiment censé faire rire ?), et ce pendant que vous vous demandez encore si vous ferez à vos lecteurs l'affront de leur
raconter le film en détail, un constat s'impose : vous êtes consterné comme jamais vous ne l'avez été. Dans un élan
de masochisme, vous pensez même avoir atteint là une forme de bonheur inespérée : effectivement, le voilà,
le navet des navets ! Cette réflexion vous met de bonne humeur, et vous vous prenez alors à suivre "l'histoire" avec
attention, prenant la ferme décision de dire à vos lecteurs combien celle-ci vous a "ému", voire de la leur résumer brièvement.
Julia Jones, double de cette Jane Eyre des temps modernes qu'est Bridget Jones dans le film qui porte son nom, grosse et grasse,
née d'un père noir d'origine grecque et de confession juive et d'une mère indienne, et qui a pour soeur une Japonaise,
travaille dans le restaurant grec familial, rêvant du grand amour ; elle rencontre alors Grant, qui disparaît aussitôt, et
décide de tout faire pour (re)trouver l'homme de sa vie, raison pour laquelle elle se rend immédiatement chez Hitch, un
noir atteint de nanisme expert en séduction (on voit que les références à d'autres films ne sont pas même légèrement voilées,
et l'on se prendrait presque à rire - à défaut de rire de quoi que ce soit d'autre - de voir Will Smith réduit
- c'est le mot - à l'état de nain libidineux), noir qui la prend en pitié,
l'emmène chez ses amis garagistes et les aide à la retaper pour qu'enfin elle puisse se taper un homme (votre français
se dégrade, c'est normal, l'esprit du film vous envahit peu à peu). Une fois devenue normale (mince, donc), notre bête devenue
belle retrouve par hasard son beau prince dans une émission de télé-réalité (The Extreme Bachelor, Desperate Edition...),
et décide aussitôt de l'épouser, après qu'il a réglé leur compte à toutes ses concurrentes à coups de fusil à pompe (non, ce n'est pas
une métaphore scabreuse). Parce qu'il faut tout de même respecter certaines traditions, Julia invite Grant chez elle pour le
présenter à ses parents, et c'est l'occasion pour le spectateur d'assister à ce qui se trouve être l'involontaire point
cul-minant de ce chef-d'oeuvre : après que la mère de Julia lui a demandé de lui fournir un échantillon de sperme en lui
fournissant le matériel adéquat (flacon et magazine pornographique), Grant se rend aux toilettes pour faire sa petite
affaire, et c'est là qu'il rencontre le meilleur acteur du film : Jinxers. Jinxers est une marionnette en forme
de chat. Et Jinxers est assis sur la cuvette. Et Jinxers est en train de faire la grosse commission.
Et, pour le dire en des termes aussi simples et vulgaires que l'est le film, il en chie. Et il en chie
pendant très exactement une minute et vingt secondes. Oui, vous avez bien lu et bien vu : le gag consiste à voire
une marionnette de chat, le susnommé Jinxers, déféquer pendant une minute et vingt secondes. Je vous l'avais bien dit, que ça
"cul-minet"... (l'auteur de ces lignes tient à préciser qu'il assume pleinement ce jeu de mots déplorable ainsi que
tous les autres). Après quoi la famille passe à table pour le repas,
repas pendant lequel l'urne funéraire de la grand-mère tombe et se brise, le corps en décomposition étant miraculeusement
entier et intact, du moins jusqu'à ce que Jinxers se charge de l'entamer allègrement. Puis la famille au grand complet s'en va
rencontrer les parents de Grant dans une parodie lamentable de Mon beau-père et moi. Après quelques jeux de mots
grivois (du type "Harry"/"Hairy"...), l'entente semble cordiale et les choses s'annoncent bien.
Las, c'est sans compter le retour inopportun de l'ex-future femme de Grant, Andy, qui veut à tout
prix récupérer son ex-futur mari (qui l'a demandée en mariage trois semaines plus tôt), espérant peut-être reproduire le scénario du
Mariage de mon meilleur ami, à défaut de se reproduire tout court.
Fort heureusement, après quelques nouvelles scènes mouvementées directement inspirées des meilleures productions du genre, mais
aussi de La Guerre des étoiles et du Seigneur des anneaux, nos deux amants se retrouvent et Hitch, nain noir
expert en séduction, mais également pasteur, les marie, avant de les laisser partir en lune de miel sur une île exotique, où
Grant et Julia décident de tourner un remake du remake du King Kong de Peter Jackson.
A votre grande surprise, vous découvrez qu'il y a encore des images pendant le générique, ainsi qu'une sorte de bêtisier - pire
encore, comme vous vous en doutez, que le reste du film. Enfin, le générique de fin se termine et vous restez quelques instants
coi sur votre confortable fauteuil. Il vous faut prendre une nouvelle décision. Vous hésitez, mais vous savez
que vous ne pouvez pas ne pas rédiger une critique, d'aussi mauvais goût soit-elle, sur ce qui est probablement la plus mauvaise
parodie que vous ayez vue de votre vie (oui, même Scary Movie 2 est mieux). Oh, bien sûr, ce n'est pas le plus mauvais
film que vous ayez vu, les Français et les Italiens excellant dans ce domaine grâce à leurs soi-disant "auteurs", mais vous vous
devez malgré tout d'en dire quelque chose, n'importe quoi, et vous le faites, et vous concluez en sachant pertinemment qu'un jour viendra
où sortira dans nos salles (vous êtes tenté d'écrire "sales") une parodie de cette parodie pour le moins scatologique, que l'on intitulera
Shit Movie, ou quelque chose du même acabit.
Une petite note, pour la croûte : 0.1/10 (béni soit Jinxers).
Werna 2009-2023