Vous est-il un jour arrivé de vous arrêter quelques instants pour observer le monde en marche ? Prendre de la distance,
analyser votre environnement, votre entourage et votre propre personne, au point de vous sentir étranger à vous-même ? Et de
trouver tout cela finalement bien étrange ? Si tel est le cas, vous avez alors entraperçu ce qui se trouve derrière le miroir,
sous la fine pellicule de songes et de mensonges qui recouvre notre réalité quotidienne. La fiction s'est pour vous, l'espace
d'une fraction de seconde, peut-être plus, fissurée. Les passants, dans la rue, n'étaient alors plus des passants, ni même des
êtres humains, mais des machines programmées pour accomplir - machinalement - des gestes et des actions dans le but unique
de produire et de se reproduire à l'infini, se conformant - plus par confort personnel qu'autre chose - à des règles, des lois,
des images, des idées pensées par d'autres, ne se posant jamais de questions - ou refusant de s'en poser, pour ne pas "se prendre
la tête" - et ne remettant jamais rien en cause, sans quoi le fragile équilibre de leur vie, de leur fonctionnement, de leur
mécanisme, s'en trouverait radicalement bouleversé. Vous étiez comme eux, avant.
Enfant, vous cédiez facilement aux modes et
faisiez des caprices à vos parents afin de leur faire acheter ce que vous aviez vu quelques heures plus tôt dans un
spot publicitaire, à la télévision, sur une affiche ou bien à l'école, dans la cours de récréation. Tout le monde l'avait, cet objet de rêve -
vous ne pouviez décemment pas être le seul à ne pas le posséder.
Vous pleuriez pour avoir les figurines de vos programmes préférés. De vos programmes préférés... En cours, le programme scolaire
vous permettait en parallèle d'apprendre à déchiffrer ces oeuvres de fiction qui vous fascinaient tant, mais surtout à vivre
dans cet univers compliqué saturé de messages, de produits technologiques et de règles à respecter.
Plus tard, vous saviez que l'écriture, la lecture et
le calcul vous serviraient à faire vos courses, trouver du travail, fonder une famille, payer vos impôts. C'était assez simple, finalement.
Il suffirait ensuite d'imiter vos parents - de jouer différents rôles.
Adolescent, les hormones en ébullition, vous avez désiré de belles filles ou de beaux garçons qui ressemblaient en substance
à vos acteurs, actrices, chanteurs ou chanteuses favoris, dont vous achetiez alors les moindres films, albums, T-shirts et autres
produits dérivés, placardiez les posters sur les murs de votre chambre et guettiez avec une patience religieuse la moindre
apparition, comme d'autres le retour du messie. Vous commenciez alors également à vous intéresser
aux informations, dont vous répétiez à vos amis les gros titres afin d'en discuter, reprenant à votre compte l'opinion générale,
c'est-à-dire celle que sous-entendait la présentation particulière qu'en faisaient les journalistes. Vous vous disputiez, parfois,
mais vous étiez toujours d'accord sur l'essentiel, et cela vous rassurait. Parce que ces informations, au fond, vous faisaient peur.
La mort, également. La mort vous obsédait. Vous vous perceviez pourtant comme un immortel invincible, et tout vous semblait possible.
Vous étiez le centre du monde, et si les autres, eux, mouraient, il en irait probablement différemment de vous. On trouverait certainement
un remède contre le vieillissement ou quelque chose dans le genre avant que les choses ne se gâtent. Pour vous. C'était partout : dans
les publicités, les reportages, les articles scientifiques, les productions cinématographiques. Cela ne pouvait donc être que vrai. D'ailleurs,
il était possible dans les jeux vidéo de mourir à de multiples reprises et de recommencer indéfiniment la partie, comme si de rien n'était.
Il y avait donc de l'espoir - et vous aviez le contrôle de la situation. C'est vous qui teniez les manettes.
Mais un sentiment de plus en plus prononcé de solitude vous pesait sur le moral. L'âge adulte pointant le bout de ses rides,
vous sentiez inconsciemment qu'au fond, vous n'aviez aucun
contrôle véritable sur le monde qui vous entourait. Ni d'ailleurs sur vous-même, du moins en partie.
La preuve : des proches pouvaient mourir, des filles ou des garçons vous mettre des râteaux
et il vous arrivait même d'avoir des mauvaises notes à des contrôles pour lesquels vous aviez pourtant révisé.
Vous déprimiez de plus en plus. Fort heureusement, l'avènement
d'Internet, des messageries instantanées et des réseaux sociaux vous permirent d'oublier tous ces tracas et de vous concentrer sur un
nouveau type de relation, par écrans interposés, plus rassurant car il vous permettait, plus ou moins, de choisir vos amis et d'aller
trouver sur des sites de rencontre la femme ou l'homme de vos rêves selon des critères extrêmement précis. Car vous étiez désormais
convaincu qu'il n'y avait pas de hasard, et surtout que ce dernier faisait, contrairement à ce que disait le dicton populaire, bien
mal les choses. Avec Internet, vous aviez l'impression revigorante de pouvoir tout contrôler depuis votre ordinateur, à l'aide d'une
simple souris.
Or, le chat noir de l'angoisse et de la mélancolie continuait de vous pourchasser inlassablement. Il commençait à faire nuit, et votre entrée
dans la vie active, tant attendue, ne vous avait rien apporté de nouveau, sinon plus de fatigue et moins de temps pour vous consacrer à vos
passions. Dans l'ensemble, vous étiez effectivement un être moins passionné. Presque apathique. Au début, les commandes passées sur le net
vous avaient momentanément rendu quelque éclat : les cartons arrivaient comme par magie chez vous sans que vous ayez eu à vous lever de votre
fauteuil, et votre pouvoir d'achat avait considérablement augmenté grâce à des prix concurrentiels. Malheureusement, tous ces produits
ne vous rendaient pas plus heureux. Lorsque vous les receviez, vous ressentiez étrangement comme une déception post-achat. Qui vous poussait
à acheter à nouveau, sans cesse. Et de plus en plus. Souvent des produits en rapport avec les livres, les séries et les films de votre enfance,
ou bien des gadgets sans réel intérêt, des distractions, des appareils de musculation (jamais utilisés), des habits (vous en aviez tellement que vous
ne saviez désormais plus quoi en faire, sinon les donner à Emmaüs ou les vendre à votre tour sur Internet).
Votre pouvoir d'achat ne vous donnait donc pas le pouvoir de vous sentir mieux.
C'était peut-être même tout le contraire. Il vous semblait que ce n'était plus vous, qui possédiez les objets, mais eux, qui vous possédaient.
C'était le mot. Vous étiez comme possédé. Votre apparence en témoignait : les muscles atrophiés, les yeux vides et la peau livide, vous faisiez
peur à voir. Vous étiez un cliché vivant - celui du zombie, que le cinéma américain venait justement de ressusciter pour le plus grand plaisir des
masses en lui faisant perdre tout son sens.
Et puis un jour, vous vous êtes réveillé. Vous veniez de passer une journée entière à faire du shopping (bilan :
deux DVD, trois livres, une bande
dessinée, quatre albums, un jeu vidéo d'occasion). Assis sur un banc rue de la République, vous contempliez l'architecture des bâtiments,
observiez la population qui s'affairait en tout sens. Ils se donnaient tous des airs, comme s'ils avaient vraiment quelque chose de très important
à faire, alors qu'ils étaient vraisemblablement là pour la même raison que vous. Quelle était, d'ailleurs, cette raison ? Faire les magasins.
Consommer. Acheter des choses inutiles parce
qu'on n'a rien d'autre à faire. Faire plaisir et se faire plaisir, en théorie. Tout d'un coup, vous avez senti votre estomac se dénouer un peu.
Vous aviez peur, mais vous saviez que vous étiez sur le point de toucher du doigt - ou plutôt de la pensée - quelque chose.
Quelque chose de vrai. La conscience de votre propre condition se faisait jour dans votre esprit. Consommer n'était pas un moyen, mais un but
en soi. Ce n'était pas l'un de vos loisirs, mais l'une de vos fonctions. C'était, en quelque sorte, un travail, tout en demeurant un
divertissement, au sens étymologique du terme. Oui, vous vous étiez fait avoir. Vous étiez tombé dans un piège sans même vous en rendre compte :
on s'était servi de vous, on vous avait ouvertement manipulé (la publicité, par exemple, s'affiche comme telle). Mais qui pouvait bien être ce
mystérieux "on" ? Quelle réalité recouvrait ce pronom ? Vous aviez du mal à formuler vos pensées. A mettre des mots sur le phénomène en question.
Vous veniez en somme de découvrir un autre monde sous la surface du vôtre et, comme un enfant, vous n'aviez pas les moyens - pour l'instant -
de le décrire.
C'est sur les rayons d'une librairie que, par hasard, vous avez finalement trouvé la première pièce de ce gigantesque puzzle.
Un titre éloquent fit là s'arrêter pour la première fois
votre regard : La Société de consommation, de Jean Baudrillard. Cet homme admirable décrivait à sa façon les mécanismes qui, déjà à son
époque (les années 1970) avaient permis de façonner petit à petit un individu tel que vous, malléable à souhait puisque toujours mal à son aise,
éternel insatisfait que la société de consommation cherche à satisfaire éternellement - du moins en apparence. Les noeuds dans votre ventre
continuaient de se dénouer. Ce monde dans lequel vous viviez autrefois en toute quiétude, et désormais en toute inquiétude, avait trouvé, dans le but
de se préserver et de se perpétuer, le moyen subtil
de transformer les citoyens en consommateurs, c'est-à-dire d'en faire des
particuliers (c'est là le mot juste) dont la fonction principale consistait à travailler
pour acheter, et acheter pour travailler. Autrement dit, des esclaves qui fabriqueraient de leur plein gré
les fouets avec lesquels on les maltraite. Ce moyen, c'était la communication. Les médias - soit les intermédiaires entre l'homme et lui-même.
Autrement dit, la propagande, sous forme de messages répétés en continu dont seul le contenant change véritablement, la littérature, le cinéma,
la musique et les arts en général oeuvrant dans le même sens : vous sommer de consommer. Mais comment se pouvait-il que de tels ordres eussent
le moindre impact sur des êtres qui n'avaient au départ d'autre besoin que de se sustenter pour survivre ?
Il ne vous fallut pas longtemps pour comprendre. Après avoir visionné quelques films sur le sujet
- Playtime (1967, de
Jacques Tati),
Le Crépuscule des morts-vivants (1978, de George A. Romero) et Invasion Los Angeles (1988,
de John Carpenter), vous vous êtes sans mal rendu compte que la réponse était dans la question :
si les hommes, dont vous étiez, se soumettaient à pareil système avec une telle facilité, c'est tout simplement
parce qu'ils avaient peur. Peur de la mort.
Or, la mort était partout dans les médias. On ne pouvait littéralement pas lui échapper, y compris lorsqu'on vous promettait la vie éternelle, puisque
cette dernière n'était possible - en théorie - que par contraste avec votre vie présente de mortel - en rêve, par conséquent. Le but était donc
de vivre le plus longtemps possible et de donner un sens à sa vie - sans quoi le monde sombrerait dans l'anarchie, car il ne servirait à
rien d'accomplir autre chose que la chasse et la cueillette si l'on n'avait pas l'espoir d'un avenir meilleur pour soi-même.
Cette volonté de vivre, c'était en réalité l'unique levier par lequel des hommes étaient parvenus à réduire d'autres hommes en esclavage volontaire.
Mais si tel était le cas, vous dîtes-vous, comment se faisait-il que des hommes pussent nous entretenir publiquement, par des écrits, des discours et
des oeuvres d'art, de cet état de fait ? Comment se faisait-il qu'il n'y eût pas la moindre réaction de la part des autorités ? Pas
la moindre censure ?
A cette question, les grandes enseignes vous répondirent par des rayons surchargés de produits culturels. Des milliers et des milliers
de romans, d'essais, de films, de jeux vidéo, de bandes dessinées, de séries, étalés parfois sur plusieurs étages afin que tous puissent
trouver chaussure à leur pied (Cendrillon, c'était vous, le Prince Charmant, c'était eux. Quant à la chaussure...). La censure existait ainsi
bel et bien, mais sous une forme inattendue : la profusion. Tout pouvait être vendu, mais le nombre empêchait la diffusion de messages
réellement subversifs en les noyant sous un déluge de possibilités. Le choix parmi toutes ces oeuvres devenait trop dur et les découvrir
toutes aurait nécessité bien plus que le temps d'une existence humaine. Il fallait donc s'en remettre à l'avis des critiques,
des spécialistes et des personnes "autorisées" (par qui ? pour quoi ?), le bouche-à-oreille et... la publicité. Pire, le fait de pouvoir
en toute liberté prôner des idées subversives faisait tomber ces dernières dans la contradiction tout en les rendant parfois extrêmement
populaires (la provocation fait vendre, c'est bien connu) : il devenait donc possible, voire rentable,
de chanter la destruction de cette société, d'en dépeindre
l'effondrement, de fantasmer sur ce qui lui succéderait et
d'en critiquer tous les aspects négatifs (pollution, paupérisation de la population, pauvreté des pays du tiers-monde,
propriétés de plus en plus difficiles d'accès, baisse considérable du niveau intellectuel des consommateurs, etc.), tout cela
sans risquer d'en ébranler les fondements - mais bien plutôt de les renforcer. C'était comme un piège à doigts chinois : plus
on tente d'en retirer les doigts, plus le piège se resserre.
La critique du consumérisme et de ses effets
faisait tellement vendre à vrai dire que des auteurs tels que Michel Houellebecq ou Frédéric Beigbeder jouissaient d'une belle réputation
dans les cercles littéraires tout en s'assurant des revenus plus que confortables grâce à la vente de leurs livres.
M. Beigbeder connut même l'insigne honneur de voir son roman
le plus célèbre, 99 francs (titre éloquent s'il en était), adapté pour le cinéma sous forme de comédie satirique avec un certain succès.
Cette censure par l'absence totale de censure jouait en réalité le rôle d'une soupape de sécurité - le temps d'un film, on pouvait faire la révolution,
tout comme on pouvait, en démocratie, faire les révolutions le temps de déposer un bulletin de vote dans les urnes.
Un système infaillible, puisqu'il incluait en son sein toute forme de critique et de contradiction pour en faire un moteur de son action
délétère sur
l'individu. Toujours assis sur votre
banc, vous commenciez à comprendre pour quelle raison ce mécanisme n'avait jamais cédé sous le poids de la pauvreté, des insatisfactions,
des dépressions et des innombrables frustrations dont souffrait alors quotidiennement
la population dans son ensemble. On avait tout simplement le droit de
se plaindre - personne n'écoutait. De plus, publicitaires et politiques proposaient à tous de leur rendre service, de les aider et de soulager
leur peine en les assistant par des moyens financiers, médicaux, scientifiques et technologiques, de sorte que chaque individu pouvait, devant
son téléviseur ou son écran d'ordinateur, avoir l'impression que toute la société se mettait à son entière disposition pour exaucer ses désirs
les plus fous. Parce qu'il le valait bien. Après tout, le client est roi, non ?
Malheureusement, cette sollicitude en apparence bienveillante (médicaments pour se soigner,
produits cosmétiques pour rester jeune et beau, voitures toujours plus performantes
pour se déplacer en toute sécurité, chômage, aides en tout genre, sécurité sociale (on notera le retour du mot "sécurité", riche de sens
dans ce contexte),
etc.) masquait une réalité bien moins plaisante :
à force de sollicitude - et surtout de sollicitations -, l'individu s'était replié sur lui-même, noyé qu'il était sous un déluge d'images
qui n'avaient de cesse de le renvoyer, tels des miroirs, face à lui-même. En bon Narcisse, il avait trouvé là, comme le pressentait Nietzsche,
son pire ennemi. La sollicitude était devenue solitude. L'individu, mort au sein de la consommation de masse et de la production d'objets en série, ne parvenait plus à
communiquer avec ses semblables. Il vivait dans une bulle de confort - ou plutôt d'inconfort - où son imagination, conditionnée par
les médias, lui faisait croire que le monde était à lui - le monde est à vous, lui répétaient en boucle certains slogans
publicitaires pour l'aguicher. Malheureusement pour lui, la conscience de la mort, de par son inéluctabilité,
lui rappelait à tout instant qu'il était seul et,
surtout, impuissant. Cette tension douloureuse entre son monde imaginaire, où tout être et tout objet lui obéissait au doigt et à l'oeil - on lui
promettait d'ailleurs
depuis peu le pouvoir de connaître absolument tout de son environnement lorsqu'il se déplacerait dans la rue par le truchement
de la réalité augmentée, qui ferait constamment apparaître sur le décor des informations diverses et variées, tout aussi inutiles qu'exhaustives -,
et le monde réel, c'est-à-dire extérieur à sa pensée, faisait justement naître en lui cette frustration, ce mal-être dont
la société du spectacle avait besoin pour l'asservir définitivement en lui donnant l'illusion d'assouvir en toute occasion ses besoins.
Car si ses besoins, quels qu'ils fussent, avaient réellement été assouvis, l'individu n'aurait plus eu besoin de rien.
Cette situation ressemblait fort au supplice de Tantale : avoir toujours soif et faim, mais ne jamais pouvoir ni se rassasier, ni se
déshydrater. Ce n'était par ailleurs certainement pas un hasard si des groupes comme Nirvana ou Oasis avaient eu tant de succès en
leur temps :
dans cet immense
désert du désir qu'avait artificiellement créé l'appareil médiatique, l'art sous toutes ses formes se vendait lui aussi de la même manière
qu'un dentifrice ou du shampooing, se présentant comme une oasis de bonheur au coeur d'un monde où régnait en maître le malheur, un
mirage éphémère dont les effets s'estompaient dès son acquisition. L'art était une marchandise, et l'artiste un excellent vendeur lorsqu'il
parvenait à vous la faire acheter. Une fois de plus, tout résidait dans la présentation de l'article et la communication qui l'entourait - la plupart
du temps visuelle. C'était étrangement par d'innombrables images que les publicitaires devenus réalisateurs de clips et photographes de mode
arrivaient généralement à commercialiser avec le plus de facilité des albums musicaux souvent de piètre qualité, preuve s'il en était que la
musique n'avait rien à voir là-dedans. Par une mise à distance constante, résultat d'un jeu d'éclairage subtil et de
cadrages judicieusement choisis, le chanteur ou le musicien devenait une idole inaccessible (il s'agit évidemment là d'un pléonasme),
immortelle, éternellement jeune et belle - on n'aimait guère les montrer vieillissantes, et le suicide permettait dans ce milieu
d'atteindre un statut quasi-divin -, l'artiste se devant de faire fi de la mort, au point d'en jouer et de s'en jouer dans son esthétique
particulière, comme c'était le cas dans certains genres musicaux et cinématographiques - principalement le metal, notamment le
sous-genre dit du death metal (!), le fantastique et le cinéma d'horreur. Cette immortalité de l'artiste, et surtout son inaccessibilité, le rendaient
désirable : on voulait l'avoir pour soi, le posséder, lui ressembler, devenir lui. C'est à ce moment précis que le mécanisme consumériste
se mettait en place : on achetait tous ses albums (à ce stade, on pouvait encore prétendre aimer réellement sa musique), ses T-shirts et
autres produits dérivés, dont les mugs, les porte-clefs et les bijoux de pacotille (pour en faire la publicité ?), les magazines
dans lesquels il apparaissait, sans bien sûr oublier de se rendre à ses concerts, quitte à ressortir sourd et se faire broyer
contre les rambardes de sécurité. Parfois même, on se mettait à jouer d'un instrument dans le but d'interpréter ses meilleurs morceaux.
En somme, on acquérait la panoplie du rockeur ou de la pop-star, confondant ainsi l'avoir et l'être. Ainsi parlait l'Homo
consumens : je dépense donc je suis.
Mais la panoplie, ce n'était pas seulement l'espoir de devenir quelqu'un. C'était aussi la collection, la volonté de posséder l'ensemble
d'une gamme d'objets généralement sans réelle utilité. Pourquoi collectionnait-on toutes ces babioles ? Toujours assis sur votre banc,
vous repensiez à ces quantités astronomiques de timbres, de porte-clefs, de capsules de bière et de bouteilles de champagne que vous
aviez entassées chez vous au fil des ans. Pourquoi ? Quel était le but premier d'une collection ? L'avoir tout entière. La raison d'être
de la collection, c'était donc la collection. L'idée qu'on pouvait la compléter. C'est pourquoi les produits n'arrivaient jamais
seuls sur les rayons, mais accompagnés d'autres produits reliés tout à la fois par une cohérence esthétique indiscutable et des
fonctions complémentaires - lorsqu'ils avaient
effectivement une fonction. C'était bien évidemment le cas des meubles, des vaisselles et des services à thé. Mais c'était également le cas
de tout autre type d'objet produit en série : des magazines proposaient régulièrement des statuettes ou des reproductions miniatures dès
leur premier numéro,
promettant d'en fournir une à chaque nouvelle parution pour fidéliser les clients. Cette technique avait fait ses preuves. Vous vous souveniez
qu'enfant, vous faisiez acheter semblables magazines à vos parents. Vous leur demandiez aussi de vous prendre des jouets et des cartes
cachés à l'intérieur
de sachets hermétiques et, surtout, opaques. Résultat : vous vous retrouviez fréquemment avec des figurines et
des cartes en double, triple ou quadruple, et continuiez pourtant d'acheter ou de faire acheter ces attrape-nigaud
sans relâche afin de compléter votre collection.
Le hasard était toujours source de frustration. Des hommes peu scrupuleux l'exploitaient afin de se remplir les poches et de vous soumettre
à leur volonté dès le plus jeune âge.
En vous conditionnant. Le conditionnement ne concernait en effet pas que les denrées alimentaires. Et les publicités n'avaient pas
uniquement pour but de vous vendre des produits sortis récemment. Non, la publicité voyait sur le long terme : elle était éducative.
On la voyait partout, sur les murs, à la télévision, dans les gradins des matches de football et de rugby, sur Internet et même à
l'école, où des professeurs consciencieux s'appliquaient à vous en faire déchiffrer le message principal et la symbolique. Avec
ses blondinets toujours souriants, ses familles heureuses, ses femmes toujours à moitié nues, ses professionnels du rasoir,
ses slogans aux allures de haïku, ses plans d'une fraction de seconde dangereux pour les épileptiques et ses images oniriques
de montagnes magnifiques et de bords de mer paradisiaques, la publicité vous accoutumait progressivement à ses poncifs un tantinet
passifs et préparait en réalité plus l'avenir que le présent : les marques laissaient dans votre cerveau leur empreinte tout aussi débile qu'indélébile.
Les pubs vous agaçaient ? Qu'à cela ne tienne, le souvenir en serait d'autant plus fort.
Plus tard, lorsque vous seriez en âge de faire vous-même les courses et que vous verriez cette marque
sur les rayons, vous seriez - et c'était là le véritable but - rassuré. Prendre du chocolat en poudre Banania, des céréales Kellogg's (vous
ne disiez d'ailleurs pas des céréales, mais tout simplement des Kellogg's) et des yaourts Danone serait un réflexe. Inconscient, ou
presque. Une seule marque n'avait pas réussi dans ce domaine à se vendre : Urgo. Enfant, vous aviez vu des publicités insupportables
se répéter dix fois de suite, avec pour seules paroles "Si Juvabien, c'est Juvamine, si Juvabien, c'est Juvamine, si Juvabien, c'est Juvamine",
et vous n'aviez désormais qu'une envie lorsque vous voyiez ce produit sur les rayons : le foutre par terre dans un accès de rage
et le piétiner jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. La publicité avait cependant fait son effet : vingt ans plus tard, vous vous souveniez
encore de ces vitamines et de leur stupide slogan.
Dans le film Demolition Man, sorti en 1993,
les hommes et les femmes du futur chantaient avec nostalgie
les jingles publicitaires de notre temps diffusés à la radio - ce qui n'était pas sans évoquer le très satirique Tout le monde il
est beau, tout le monde il est gentil (1972), de Jean Yanne, dans lequel le réalisateur tournait en dérision l'ineptie des programmes
radiodiffusés d'alors - et se délectaient chaque fois de ces quelques secondes de pure félicité.
Vous sentiez qu'aujourd'hui, c'était plus ou moins une réalité.
Vous aviez même vu vos propres amis, au cours de soirées bien arrosées, citer avec allégresse les publicités de leur enfance - et donc de
la vôtre -, les deux étant ainsi pour eux définitivement associées. Ce n'était pas très rassurant, pour le coup. Cela vous faisait à la
rigueur même un peu peur. Au début vous aviez ri. Mais la peur et le rire ne sont hélas jamais bien éloignés l'un de l'autre. Vous songiez à
ces moments de la vie quotidienne où votre entourage vous faisait lui-même de la publicité pour certains produits de consommation :
"Moi je ne prends que des Peugeot. Je n'ai jamais eu de problème avec une Peugeot." "Moi je ne prends que des Mac. Je n'ai jamais
eu de problème avec un Mac." "Moi je ne prends que des Nike. Je n'ai eu de problème avec des Nike." (La publicité faite par vos proches, vos
amis et vos collègues de travail prenait souvent la même forme.) Mais il y avait pire. Il y avait la remarque négative - le reproche.
"Tu n'as pas de voiture ?" "Tu n'as pas d'ordinateur ?" "Tu n'as pas de chaussures de marque ?" Ne pas obéir aux injonctions des publicitaires
était devenu le grand péché moderne. L'absence de marque engendrait aussitôt la remarque.
Un phénomène de pression sociale pesait sur l'ensemble des individus qui composaient bien malgré eux
cette société. Une société qui n'avait finalement rien à envier aux systèmes religieux d'antan qu'elle critiquait si souvent. Vous le saviez
déjà,
pourtant : si l'on désire connaître une personne, il suffit de regarder ce qu'elle pointe constamment du doigt. Ce qui était vrai de
l'individu l'était de la communauté. Il était donc possible désormais de tromper sa femme, de céder à la luxure et de se laisser aller
à la gourmandise, mais ne pas avoir de téléphone portable ou ne jamais se connecter sur les réseaux sociaux, ça, c'était pécher.
Le châtiment ? La solitude.
Celui qui ne consommait pas comme les autres s'isolait. Il importait de faire attention, cependant, car
celui qui consommait plus que les autres s'exposait à la jalousie
de ses voisins, tandis que celui qui ne consommait pas assez s'exposait à leur mépris - ou, pire, à leur condescendance. Il fallait donc
rester dans la norme. Car norme il y avait. Le bon consommateur pensait écologie
(certaines émissions le conditionnaient afin que, plus tard, il n'achète que des produits éco-quelque chose), assistait à la messe
(pardon : regardait les informations),
s'offusquait de ce qu'il pût encore y avoir des terroristes en ce monde (sans jamais se dire que c'était là le seul moyen de se faire
la guerre sans risquer l'affrontement nucléaire), condamnait la pédophilie, le meurtre et le téléchargement illégal,
priait pour le salut de son corps (achetant dans le but de se maintenir en bonne santé tout un tas de gris-gris pour protéger sa peau,
ses cheveux et ses dents), confessait ses maux chez le docteur, le psychologue et le psychanalyste, épargnait (à l'époque, on épargnait
d'ailleurs moins les gens que l'argent), passait le permis de conduire (ou baptême de la route), mangeait l'hostile et buvait en vain pour
montrer aux autres qu'il était comme tout le monde. Et pour finir, il avait foi en la science. Le progrès résoudrait tous ses problèmes.
A force de recherche, les scientifiques vaincraient la maladie, la vieillesse et la mort. En consommant écologique et technologique, il faisait
donc un placement dans l'avenir. Il se préparait une place au paradis. Le remplacement de la religion catholique par la religion
cathodique était de la sorte entièrement consommé.
Le consumérisme, c'était le nouvel opium des peuples. On ne pouvait plus s'en passer. On se sentait mal en consommant, mais on se sentait
encore plus mal lorsqu'il était impossible de consommer - ce qui se traduisait par une immense violence au sein des couches les plus pauvres
de la population, qui avaient bien conscience que la société de consommation, loin d'offrir les mêmes chances à tous, créait, ou plutôt perpétuait
de manière plus ou
moins artificielle, une hiérarchie sociale clairement déterminée par ce que l'on appelait alors le pouvoir d'achat. S'acheter des biens, c'était
par conséquent communiquer aux autres - ainsi qu'à soi-même - la classe sociale à laquelle on appartenait. Cela expliquait d'ailleurs pour quelle
raison des personnes manifestement dans le besoin s'achetaient consoles, ordinateurs et téléphones portables alors qu'elles n'en avaient pas
les moyens : frustrées d'appartenir aux classes sociales les plus mal loties, ces dernières se donnaient l'apparence et l'illusion d'appartenir
à des milieux plus aisés. Une fois de plus, on confondait l'avoir et l'être. En face de vous, un clochard venait de refuser un sandwich. Il ne
voulait pas manger. Il voulait seulement de l'argent pour s'acheter quelque chose et retrouver ainsi quelque dignité. Vous n'aviez, pour
votre part, pas l'intention de lui donner le moindre sou. Vous payiez déjà bien assez d'impôts comme ça. De votre banc, vous songiez que la
différence n'était, tout compte fait, pas si grande entre ce mendiant loqueteux et le publicitaire. En effet, tous deux quémandaient
constamment votre argent dans la rue. Et ce n'était probablement pas un hasard si la publicité s'appelait autrefois la réclame.
Les industriels et les marchands vous réclamaient donc de l'argent, comme si vous le deviez. Pour ce faire, tous les moyens étaient bons :
les panels, les sondages, les statistiques, le harcèlement téléphonique, les prospectus, les publicités sur grand et petit écran, dans les magazines et
les journaux, le sponsoring, les affiches,
les offres promotionnelles (comme si l'on nous offrait quoi que ce fût !), les soldes, les promotions (qui servaient, comme leur nom
l'indiquait, à promouvoir des produits et non pas à les vendre moins cher), les offres spéciales,
les spams, l'organisation d'événements particuliers,
le fichage informatique et les caméras de surveillance - car ces dernières ne servaient en effet pas qu'à repérer les voleurs, mais également
à repérer vos habitudes et vos goûts afin d'adapter l'offre à votre demande, même si vous n'aviez au départ rien demandé. Vos moindres faits
et gestes étaient minutieusement répertoriés, puis analysés, afin de découvrir, au fond, quels étaient vos points faibles et
les mettre à profit. Dans cette
dictature d'un genre nouveau, savoureux mélange du 1984 de George Orwell et du Meilleur des mondes d'Aldous Huxley,
vos dirigeants vous éduquaient, vous épiaient et vous exploitaient de votre naissance à votre mort. Avec l'avènement d'Internet, les
moyens de contrôler votre vie n'avaient fait que s'accroître. Et le pire, c'est que c'était vous, qui payiez pour être ainsi surveillé :
pour être comme tout le monde, vous aviez investi dans un ordinateur, vous vous étiez abonné chez un opérateur et vous
aviez, pour rejoindre Facebook
(votre entourage vous y avait longuement et fortement incité par de multiples remarques), rentré vos informations personnelles sur ce réseau social, invité des amis et
de la famille, téléchargé des photos de vous et laissé des commentaires sur vos dernières vacances et vos prochains achats.
Quelques clics suffisaient
désormais pour tout savoir de vous, et le système de géolocalisation de votre téléphone portable (lui aussi connecté comme on connectait
autrefois les prisonniers par des chaînes) permettait de vous retrouver où que vous fussiez. Même votre banquier, pouvait savoir ce que vous faisiez
de vos journées
en consultant vos relevés de carte bancaire - et si par malheur vous retiriez trop d'argent dans le but d'éviter toute forme d'espionnage,
c'était suspect.
Sans surprise, des pop-up et des encarts publicitaires aléatoires surgissaient et s'affichaient chaque fois que vous consultiez vos sites Internet
préférés, en fonction de critères bien précis élaborés automatiquement et, surtout, méthodiquement, par d'autres ordinateurs,
l'enregistrement systématique de vos visites leur permettant d'en déduire vos goûts et vos coûts.
Mais on ne vous vendait pas que des objets, dans ces réclames de l'ère numérique.
On cherchait également à vous vendre des êtres de chair et de sang : sur Facebook, des photos de filles ou de garçons
de votre âge vous sautaient aux
yeux chaque fois que vous vous connectiez, la légende prétendant toujours que ces personnes étaient de votre région - qu'elles
étaient, donc,
accessibles. C'étaient bien sûr encore et toujours des publicités - pour des sites de rencontre. Par curiosité, cependant, vous vous étiez malgré
tout rendu sur certains de ces sites. Moyennant une somme d'argent relativement modeste, on vous y proposait de rencontrer l'âme soeur,
c'est-à-dire une personne physique correspondant en tout point à vos exigences particulières. Vos exigences particulières !
Cela revenait en fin de compte à choisir avec méticulosité
son futur partenaire comme on le ferait pour une lessive ou du liquide vaisselle sur les rayons d'un banal supermarché. Quelques clics
suffisaient pour que le déclic se produisît : deux individus se montraient des photos d'eux-mêmes,
puis échangeaient quelques mots avant de passer
commande en se donnant rendez-vous quelque part. Votre Mac vous vendait à prix modéré ses plus belles pouliches ! Lorsque vous étiez
en manque, il vous tenait ainsi par les couilles - du moins était-ce là la manière dont vous perceviez la situation.
Ce système supposait que les deux
partenaires se vendent l'un à l'autre, fassent leur propre publicité sur ces sites. Jésus disait : "Aimez-vous les uns les autres."
Les sites de séduction, eux, clamaient haut et fort : "Vendez-vous les uns les autres."
Comme pour les objets, néanmoins, la réalité s'avérait souvent décevante. Et pourtant vous en redemandiez. Une fois de plus, le but n'était
pas de vous libérer du besoin, mais de vous y maintenir.
Or il fallait pour cela vous séduire - étymologiquement, vous détourner du droit chemin, c'est-à-dire vous perdre. Le but était,
vous le saviez d'ores et déjà, de vous rendre dépendant, comme le serait un amoureux transi de sa bien-aimée. Mais la ressemblance
ne s'arrêtait pas là : tomber amoureux, vous l'aviez appris à vos dépens - et vos dépenses -, c'était, après avoir idéalisé
l'autre, en découvrir la réalité, la différence et, par conséquent, connaître la déception. Cette déception, cette frustration
née du contact entre
le rêve et la réalité qu'il recouvre, entre la fiction personnelle et la friction du contact, loin de vous faire oublier l'autre,
augmentait d'autant le désir que vous éprouviez à son égard. Votre volonté de tout contrôler s'étendait alors à l'autre, et
votre imaginaire s'en faisait une représentation pour se l'approprier définitivement. Las, cette dernière
se heurtait encore et encore à la personne
que vous aimiez ou croyiez aimer, et le mal empirait : plus vous l'imaginiez, plus vous en rêviez, plus le choc avec le réel devenait douloureux
et plus vous vous réfugiez dans votre imaginaire malade pour vous convaincre que les choses allaient dans votre sens. Que les choses
avaient du sens. Vous en étiez à la fin convaincu. Con vaincu. Le cercle vicieux qui vous menait sans cesse de vous-même
à vous-même
avait au final toujours raison de vous - amoureux, vous tombiez. A peine remis de votre premier amour, vous aviez réitéré mainte fois
le même scénario, mais toujours avec des personnes différentes, en boucle, éternellement frustré par vos propres fictions.
Mais étaient-ce réellement les vôtres ? Ou bien celles que vous imposaient et vous inculquaient les médias depuis votre enfance ?
Seul sur votre banc, les yeux fermés, vous contempliez désormais des
images de blondes dénudées aux courbes voluptueuses qui défilaient dans votre tête. En arrière-plan,
le bleu du ciel et de la mer, du sable fin, des palmiers et des chewing-gums sans sucre à la menthe. Hollywood. Les politiciens
et les grands industriels avaient depuis longtemps compris que les êtres humains ne pouvaient vivre en dehors de leurs représentations :
c'était là ce qui les différenciait principalement des animaux. Le langage, la musique, les chiffres, les mythes, les contes, les romans,
la philosophie, les essais, la photographie, les
films, les bandes dessinées, les séries télévisées, les jeux vidéo, tout n'était que représentation. Tout était fiction.
Paralysés par la peur de la mort et l'absurdité manifeste de leur existence, les hommes avaient tenté de se rassurer en communiquant à leurs
semblables leur mal-être et se racontant littéralement des histoires. Ils essayaient depuis la nuit des temps de comprendre, et par là de
s'approprier et de contrôler
le monde dans lequel ils évoluaient, mais avaient compris au passage qu'il n'y avait en réalité
qu'une seule chose qu'ils avaient véritablement le pouvoir
de contrôler : leur manière de se représenter ce monde. Il était donc possible, en orientant cette dernière
par le biais de la communication, d'unir et d'unifier les hommes, de leur faire accomplir ensemble bien des choses en leur donnant
des objectifs communs. En somme, de les réduire en esclavage non pas par la force, mais par le pouvoir du verbe.
Au commencement était par conséquent le verbe. Une arme à double tranchant, dont vous pouviez user vous aussi. Vous en aviez
conscience, à présent : il vous faudrait vous battre jour après jour contre vous-même, panser vos blessures et cesser de vous consumer
en consommant ce que l'on vous sommait constamment d'acheter. D'un miroir, vous feriez un bouclier, afin de mieux réfléchir, et d'une plume ou
d'un clavier, vous tireriez une épée dévastatrice au pouvoir incommensurable, qui vous permettrait d'éveiller les consciences en
partageant votre inestimable découverte. Vous utiliseriez tous les moyens à votre disposition, Internet y compris, pour offrir à
vos congénères le moyen de choisir et de se libérer de l'effroyable étreinte par laquelle on - toujours cet "on" dont on savait tout
à la fois tant et si peu -, se libérer de l'effroyable étreinte par laquelle, disais-je, on entendait étouffer le feu de la liberté.
Article achevé le mercredi 11 avril 2012. Erwan Bracchi.
P.S. : il va de soi que cet article est, bien évidemment, une fiction comme les autres...
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